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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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Tout à coup il s’est mis à pleuvoir. J’ai ouvert des rations C dans le noir et j’ai écouté la radio. Un type appelait pour signaler des mouvements sur l’un des coteaux de la montagne. On a donc balancé des grenades dans cette direction. Elles ont fait péter des mines Claymore, ce qui a momentanément réglé la situation. Les Claymore ont fait un gros écho. Leurs morceaux de ferraille-il y avait sans doute plusieurs centaines de mines – se sont répandus dans les buissons et dans la cour, où ils ont fait éclater des morceaux de murs et de pierre blanche du ventre du bouddha. Il ne s’est pas plaint, pas plus que le moine quand on est partis, ce matin-là.
    Durant les premiers jours d’août, le capitaine Smith s’est fait renvoyer de son poste à la compagnie Alpha.

XVIII

LE LAGON
    À l’endroit où une barrière de corail écarlate vient toucher la péninsule de Batangan, il y a un lagon bordé de plusieurs kilomètres de plage.
    Après l’eau salée et après les plages de sable, il y a des pins tropicaux et des cocotiers qui poussent sur un sol fait de plus de palourdes et de chlorure que d’azote. Plus loin dans les terres, on trouve des rangées et des rangées de laîches, de rizières qui produisent du riz et des moustiques, de marais, de morceaux de jungle, de lieux verdoyants où toutes sortes de choses grandissent et pourrissent.
    Mais surtout, il y a le lagon, et c’est là que la compagnie Alpha s’est installée. On était venus pour protéger le coin. On était venus pour protéger le petit village qui puisait toutes ses ressources naturelles dans le lagon. On a érigé des abris, pour faire de l’ombre, et on a creusé nos trous sur une butte de terre qui donnait à la fois sur le village et sur la mer. On a déroulé de grosses bobines de fils barbelés et on a établi des contacts amicaux avec les habitants du village. Les enfants nous apportaient des écrevisses et on distribuait des barres chocolatées qui provenaient de nos rations C. Ça s’est d’abord mis en place comme une pure formalité, mais au bout d’un moment tout le monde a eu l’impression de faire des petites affaires et on s’est pris au jeu. On nageait, on pêchait dans le lagon. On faisait des ricochets sur une eau parfaitement calme. Parfois, on se baladait sur la plage sans nos fusils.
    Le lagon avait toujours dû être un endroit de rêve. La mer regorgeait de poissons, et la petite brise nous changeait de la chaleur exaspérante du reste du pays. Et on jouissait de la protection de la barrière de corail. Dans le temps, il y a des siècles, le lagon avait dû être un port fréquenté par les voyageurs et les aventuriers. Qui sait, ce lieu était peut-être même célèbre pour son ancien monstre du lagon, un serpent de mer couvert d’écailles vertes, avec des yeux globuleux et un appétit insatiable pour les pêcheurs insouciants et pour les petits enfants ?
    Ce genre de coin, ça fait réfléchir. À l’époque où les rois étaient de vrais rois et où les tyrans étaient de vrais tyrans, le lagon devait avoir une population plutôt fière.
    Sur la barrière de corail rouge, ils allumaient sans doute de grands feux, la nuit, pour empêcher les naufrages. Quand il faisait chaud, les habitants vivaient sûrement nus. Ils avaient sûrement des pagodes blanches pour le Bouddha et ils brûlaient sûrement des bâtons d’encens en son honneur. Pour les enfants, devenir un homme, ça signifiait sûrement qu’ils commençaient à aller en mer et à rapporter des poissons.
    C’était sûrement un coin tranquille, même avec le monstre du lagon qui rôdait dans les parages.
    Mais tout ça n’est que conjectures, et il vaudrait mieux décrire le lagon tel que la compagnie Alpha l’a découvert.
    Tous les soirs, à minuit, quand il fait bien noir, les pêcheurs sortent une centaine de barques en écorce dans le lagon. Ils parcourent un peu moins d’un kilomètre, chaque bateau étant éclairé d’une petite lanterne, si bien qu’on voit une multitude de lumières blanches flotter au gré des vagues. Ça ressemble à Minneapolis quand tu arrives à 4 000 mètres d’altitude dans le Boeing 707 de minuit en provenance de Seattle. Les hommes pêchent jusqu’au petit matin. Ensuite, ils rapportent des anguilles, des pieuvres, des calamars, des vivaneaux rouges, des écrevisses et des algues.
    Les petits vieux se lèvent au lever du jour pour aller accueillir les pêcheurs, sur la plage.

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