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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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mortier. Il s’est foutu à quatre pattes, comme tout le monde. Il faut avouer que le sergent-chef n’était pas un meneur-né, mais c’était quand même un mec calme, un mec qui savait filer un coup de main quand il le fallait.
    Au petit matin, on est allé fouiller des villages, on en a fait deux ou trois. On a traversé une grande rizière. La compagnie a fait une longue colonne bien espacée. C’est sûrement pour nous montrer qu’il avait des couilles et que c’était un bon chef que le sergent marchait à la tête de la compagnie, avec le chef de la compagnie et les opérateurs radio, et on avançait tout doucement.
    J’observais le sergent-chef. Il a fait marche arrière, s’est accroupi, et de la poussière et un nuage de fumée rouge sont montés dans les airs, tout autour de ses cuisses. Il s’est redressé et il est reste bouche bée en voyant la brève explosion. Il n’a rien dit. Comme s’il essayait de se protéger des éclats d’obus et de tout ce raffut, il a fait trois pas en arrière. Là, ses jambes se sont désagrégées sous son poids et il est tombé sur le dos comme une masse.
    Ça a explosé juste sous ses pattes. Personne ne s’est senti vraiment triste quand l’hélico a atterri et qu’on l’a foutu à bord.
    Le soir, on a creusé des trous et on s’est fait cuire des rations C sur des pastilles chauffantes. Il faisait chaud, ce soir-là, alors au lieu de m’endormir tout de suite, je me suis assis avec un pote noir et je lui ai tenu compagnie pendant qu’il montait la garde. Il m’a dit que c’était l’un des Noirs de la section qui avait réglé l’affaire du sergent-chef. Une salve de M-79 tirée par un lance-grenade. Il m’a expliqué que même si le tir était initialement censé foutre la trouille au sergent, les Noirs allaient certainement pas se lamenter sur son sort. Il a posé un bras sur mon épaule et m’a dit que c’était comme ça qu’il fallait s’occuper des Blancs quand on avait un problème à régler.
    Deux semaines plus tard, ils ont affecté un sergent-chef noir à Alpha.
    Tous les gars, un ou deux mis à part, crevaient secrètement et désespérément d’envie de décrocher un boulot à l’arrière. Le désespoir ne nous lâchait pas. Quand on marchait au soleil, quand on faisait des gardes de nuit, quand on attendait le ravitaillement, quand on écrivait nos lettres d’amour, on pensait à tous les boulots peinards qui nous attendaient là-bas, à l’arrière, et on en parlait. On n’était pas tous des lâches. Mais gagner la guerre, c’était pas notre unique vocation. Barney a lancé :
    — Merde, je vais pas hésiter à prendre le premier truc qu’ils vont me proposer, c’est clair. Je ramasserai leur merde pendant la journée et je me boirai des bières le soir, pas de problème. S’ils m’envoient à Chu Lai, ça va pas me déranger d’empiler les cadavres à la morgue. Je balancerai des cadavres et tous ces trucs pleins de sang et puis je picolerai pour faire passer la pilule, s’ils me filent le boulot. Un peu, ouais.
    Bates et moi, on a fait quelques gardes radio ensemble, la nuit.
    — C’est le jour où Chip et Tom se sont fait niquer – cette putain de mine – que j’ai lâché l’affaire. Le ’Nam, c’était juste une sorte de partie de poker un peu tendue, jusqu’au jour où ils se sont fait sauter la tronche. J’étais même pas là, à ce moment-là. Bordel, j’étais juste en train d’écouter la radio. Mais, putain, c’est ce truc-là qui m’a fait lâcher l’affaire. Je les connaissais, ces gars. Je prendrai un boulot, là-bas, je ferai n’importe quoi, je m’en fous.
    Donc, avec le reste de la compagnie Alpha, pendant le mois d’août, j’ai suivi le nouveau chef, tout en espérant qu’on allait me filer un boulot à l’arrière et en essayant discrètement d’éviter de crever. Ça paraissait bizarre. On n’était pas les bons vieux soldats de la Seconde Guerre mondiale. On n’avait aucune raison d’écrire un nouveau « Journal de Guadalcanal ». Aucune grande morale à transmettre à propos du pays, de l’honneur ou des objectifs militaires. En août, tout le courage qu’on pouvait encore avoir, c’était celui qui nous venait à l’esprit, le matin, au réveil, quand on savait que la journée à venir n’allait pas être bonne. L’aphorisme de ce cher Horace, « marche ou crève »  – Dulce et decorum est pro patria mori –, c’était rien de plus qu’une

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