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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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adultes. Au lieu de tout cela, parce que nous n’avons plus de temps à perdre, plus de cause ni de raison pour tout ce qui n’est pas lié à la vérité, l’honnêteté est devenue fondamentale pour la vie en tant que telle. Nous devons soit être honnêtes, soit nous taire.
    Et c’est surtout pour toi – qui vis dans ton terrible univers privé, impitoyablement rendu public à mort – que j’essaie d’être honnête. Je suis au Viêtnam, mais je ne suis pas sur le champ de bataille, et je suis parfois suffisamment lucide pour en être reconnaissant. Comme nous avons tous les deux cherché à comprendre pourquoi nous sommes ici et que nous n’avons trouvé aucune réponse, je me demande maintenant pourquoi toi, tu es là, à te battre, et pas moi. Encore une fois, pas de réponse. Si c’était à refaire, est-ce que je prendrais de plein gré les risques qu’on a pris à Fort Lewis, au moment où deux décisions qui ont eu un impact majeur sur le destin de deux vies ont été prises ? Est-ce que je prendrais le risque de te persuader de t’engager pour une année supplémentaire afin d’éviter d’être affecté dans l’infanterie, alors que tu aurais pu me persuader au contraire de ne pas le faire ? Et est-ce que je me serais retrouvé là, à côté de toi, ou à ta place ? L’idée même d’espérer que toutes ces décisions puissent être reprises est aussi absurde que les faits en eux-mêmes.
    Jusqu’où doit-on aller pour trouver un sens à tout cela ? Voilà, je voudrais vraiment pouvoir t’aider. Te donner un billet d’avion à destination d’un coin que je connais en Norvège. Mais je ne peux rien faire, absolument rien, si ce n’est t’encourager à être aussi honnête que tu l’as toujours été.
    Bien sûr, je suis ici, moi, à Long Binh, ce grand sanctuaire couvert de bitume, protégé par des barbelés, réservé aux officiers de bonne famille et aux pistonnés. Ce que tout ce beau monde fait pour gagner la guerre, je n’en ai pas la moindre idée. En ce qui concerne ma propre contribution à la grande histoire militaire, j’ai passé mon premier mois en Asie en tant qu’employé de bureau dans le secteur juridique, à aider l’armée à châtier les fumeurs d’herbe et les marginaux, qui se trouvent bien souvent être des Noirs absurdement fiers d’eux.
    La nuit, je monte parfois la garde, ou alors j’attends une alerte qui ne survient qu’à de très rares occasions. Tout cela semble irréel. Long Binh, ce n’est pas la guerre ; cela ne fait pas vraiment partie du Viêtnam, pas avec tout ce ciment, ce Pepsi-Cola et ces télés de marque RCA. Une nuit de la semaine dernière, j’ai regardé une formidable bataille – l’artillerie qui faisait tomber de grandes feuilles de métal, ensuite tout est devenu noir pendant un bon bout de temps et le son est venu  jusqu’à moi, un simple bourdonnement. Je t’ai imaginé, toi, là-bas. Je ne suis qu’un observateur, Tim, le spectateur d’un match de foot tragique qui aurait lieu lors de la fête du 4 juillet.
    Erik »
    *
    Un nouveau type, un autre sudiste, a pris le commandement de la compagnie Alpha au début du mois d’août. Ça faisait à peine une heure qu’il était chef quand il a fait passer les gars dans un champ de mines. Ensuite, les hélicos sont arrivés et ils ont embarqué un mort qui s’appelait Rodriguez et un estropié dénommé Martinez. C’étaient des Hispano-Américains, des compagnons égarés. Ils avaient passé leur temps ensemble à prendre des photos Kodak de l’un et de l’autre ; on les voyait poser avec le plus grand sérieux, mitraillette à la main.
    Mais quand tous ces trucs étaient en train de se passer, j’étais à Chu Lai, à la recherche d’un nouveau boulot. Le capitaine Smith, qui se sentait probablement coupable de ne pas avoir tenu sa grande promesse consistant à me dégoter un job au centre de tri du courrier, à l’arrière, a fini par me filer une perme de trois jours et un sourire constipé. Il m’a souhaité bonne chance. J’ai fait du stop sur les routes poussiéreuses de Chu Lai, je montrais mes lettres de recommandation du capitaine Johansen et du sergent-chef de la compagnie Alpha, essayant de convaincre quelqu’un qu’il fallait m’embaucher. Mais l’armée a sous la main toute une tripotée de dactylos médiocres. Je ne savais, pas changer un pneu et puis, de toute manière, personne n’embaucherait jamais un troufion au bout du

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