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Sir Nigel

Sir Nigel

Titel: Sir Nigel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arthur Conan Doyle
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toujours
perdu dans le brouillard. C’est bien pour cela qu’on l’appelle le
prince des ténèbres.
    Une vague de panique passa sur le vaisseau et
les rudes hommes qui ne craignaient aucun ennemi mortel se mirent à
trembler de frayeur devant les ombres créées par leur imagination.
Le visage blafard et les yeux hagards, ils regardèrent le nuage
comme si à tout moment quelque forme étrange et terrifiante dût en
surgir et fondre sur eux. Comme ils épiaient, il y eut un coup de
vent. Pendant un instant, le banc de brouillard se dissipa et une
partie de la mer se dévoila.
    Elle était couverte de bateaux. Il y en avait
de tous les côtés.
    C’étaient d’immenses caraques à la haute
proue, aux bastingages sculptés et incrustés d’or. Chacune avait
une grande voile et suivait la même route que le
Basilisk
.
Les ponts étaient couverts d’hommes et c’était des hautes poupes
que provenaient les résonances qui remplissaient l’air. Pendant un
moment, les navires furent visibles, flotte immense progressant
lentement et auréolée d’une vapeur grise. Puis les nuages se
refermèrent et la flotte s’évanouit de nouveau. Il y eut un long
silence, après quoi éclata un concert de voix surexcitées.
    – Les Espagnols ! crièrent une
douzaine d’archers et de marins.
    – J’aurais dû m’en douter, fit le
commandant. Je me souviens de la côte de Biscaye, quand ils
faisaient résonner leurs cymbales à la façon des Maures païens
contre qui ils se battaient. Mais que voulez-vous que je fasse,
messire ? Si le brouillard se lève, nous sommes perdus.
    – Il y avait trente bateaux pour le
moins, fit Knolles en fronçant le sourcil. Et si nous les avons
vus, je gage qu’eux aussi nous auront découverts. Ils vont nous
aborder.
    – Non, messire, je crois que notre bateau
est plus léger et plus rapide que les leurs. Si le brouillard tient
une heure encore, nous en serons débarrassés.
    – À vos armes ! hurla Knolles. À vos
armes ! Ils sont sur nous !
    En effet, le
Basilisk
avait été
repéré par le bateau amiral espagnol avant que le brouillard se fût
refermé. Avec un vent aussi léger et dans un tel brouillard, il
n’avait aucun espoir de le retrouver à la voile. Et par malchance,
à moins d’une archie de la grande caraque espagnole se trouvait une
galère basse, fine et rapide, munie de rames qui lui permettaient
de lutter contre vents et marées. Elle aussi avait vu le
Basilisk
, et ce fut à cette galère que le commandant
espagnol donna ses ordres. Pendant quelques minutes, elle fouilla
dans le brouillard puis, soudain, elle bondit comme une bête
puissante et souple fonçant sur sa proie. C’était la vue de cette
longue ombre filant derrière eux qui avait provoqué le cri d’alarme
du chevalier anglais. Tout aussitôt les rames de tribord furent
ramenées sur la galère, les flancs des deux bateaux grincèrent et
une nuée d’Espagnols basanés au teint bistre s’agrippèrent aux
flancs du
Basilisk
puis sautèrent sur le pont en poussant
des cris de triomphe.
    Pendant un instant, on put croire que le
vaisseau allait être capturé sans coup férir, car les hommes du
bateau anglais s’étaient mis à courir en tous sens pour prendre
leurs armes. On pouvait voir dans l’ombre du gaillard d’avant et à
la poupe des dizaines d’archers anglais bandant leur arc pour y
fixer la corde. D’autres bondissaient sauvagement au-dessus de
caisses et de fûts à la recherche de leur carquois. Quant à ceux
qui trouvaient leurs flèches, ils en prenaient quelques-unes qu’ils
prêtaient à leurs compagnons. Pris d’une folle hâte, les hommes
d’armes aussi tâtaient dans les coins, saisissant des casques
d’acier qui n’étaient pas les leurs, les rejetant sur le pont et
empoignant n’importe quelle épée ou lance qui leur tombait sous la
main.
    Le centre du bateau était occupé par les
Espagnols qui, après avoir exterminé tous ceux qui se trouvaient
devant eux, tentèrent de pousser vers les extrémités, lorsqu’ils se
rendirent compte que ce n’était pas un mouton mais bien un vieux
loup féroce qu’ils avaient saisi aux oreilles.
    Si la leçon vint trop tard, elle n’en fut que
plus dure. Attaqués des deux côtés et bientôt écrasés par le
nombre, les Espagnols, qui n’avaient jamais douté que cette petite
embarcation fût un bateau marchand, furent mis en pièces. Ce ne fut
pas un combat, mais une boucherie. En vain les survivants coururent
en

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