Sir Nigel
sur
toute la ligne jusqu’à ce que toute la côte, de Dungeness à
Winchelsea, vibrât sous ce cri de guerre. Le roi bondit, le visage
illuminé par la joie.
– Les jeux sont faits, mes amis !
dit-il. Habillez-vous, John ! Et vous, Walter ! Vite,
vous tous ! Écuyers, mon armure ! Que chacun ne s’occupe
que de soi-même : nous n’avons guère de temps.
Étrange vision que ces quarante chevaliers
arrachant leurs vêtements, jonchant le pont de velours et de satin,
pendant que chacun de leurs écuyers, aussi affairés que des
palefreniers avant la course, poussaient et tiraient, tendaient,
fixaient et assujettissaient les bassinets, les cuissots, les
plastrons et les dossières, jusqu’à faire de ces courtisans de soie
des hommes d’acier. Et lorsqu’ils furent prêts, il ne resta plus
qu’un groupe de farouches guerriers là où de folâtres gentilshommes
avaient ri et chanté autour du luth de Sir John. En contrebas, dans
le plus grand silence, les archers subissaient l’inspection de
leurs officiers et occupaient les places qui leur avaient été
désignées. Une douzaine d’entre eux tenaient un dangereux poste
dans les gabies en haut des mâts.
– Du vin, Nicholas ! cria le roi.
Messires, devant que d’abaisser votre visière, je vous prie de
lever le verre avec moi. Je vous promets que vous aurez les lèvres
sèches avant qu’elles soient de nouveau libérées. À quoi
boirons-nous, John ?
– Aux hommes d’Espagne ! répondit
Chandos, dont le visage dur apparaissait dans l’ouverture du
casque. Puissent-ils avoir le cœur fort et le courage au combat, ce
jour !
– Voilà qui est bien parler, John !
s’écria le roi, dont la voix s’éleva sur le chœur des chevaliers
qui trinquaient et riaient. Et maintenant, mes bons amis, que
chacun regagne son poste ! Je me charge de la défense du
gaillard d’avant. Vous, John, vous vous occupez de l’arrière.
Walter, James, William, Fitz-Alan, Goldesborought, Reginald, vous
resterez avec moi. John, faites aussi votre choix, et les autres
resteront avec les archers. Et maintenant, allez droit en leur
milieu, maître timonier. Avant que le soleil se couche, nous aurons
ramené une de ces galères écarlates pour en faire don à nos gentes
dames, ou nous ne verrons jamais plus l’une d’entre elles.
L’art de naviguer contre le vent n’avait pas
encore été inventé, pas plus qu’il n’existait encore de voile
aurique, sauf les petites qui permettaient à un navire de virer. La
flotte anglaise dut donc effectuer un grand crochet pour se porter
à la rencontre de l’ennemi, mais ce ne fut pas long, car les
Espagnols, qui arrivaient avec le vent, étaient aussi avides qu’eux
d’engager le combat. Les deux flottes se rapprochèrent dans une
débauche de pompe et de dignité.
Il se fit qu’une fine caraque avait devancé
les autres bateaux et faisait route, rouge et or dans un
scintillement d’acier, à environ un demi-mille au-devant des
Anglais. Édouard la regarda, avec admiration, car elle en valait la
peine, avec l’eau bleue bouillonnant devant sa proue dorée.
– Que voici un beau vaisseau, master
Bunce ! dit-il au marin à côté de lui. Il me plairait
d’engager le combat avec lui. Continuez donc tout droit afin de le
pouvoir couler.
– Si je continue tout droit, sire, un des
deux coulera, si ce n’est point les deux.
– Je ne doute point que nous ne jouions
notre rôle avec l’aide de la Vierge. Tout droit, maître timonier,
ainsi que je l’ai dit !
Les deux bateaux se trouvaient à une archie de
distance et les carreaux des arbalétriers espagnols fouettèrent
l’anglais. Ces traits du diable, courts et épais, sifflaient
partout dans l’air comme des abeilles, s’écrasant contre le
bastingage, tombant sur le pont, résonnant fortement sur les
armures des chevaliers ou s’enfonçant avec un bruit sourd et mat
dans le corps de leurs victimes.
Sur les deux flancs du
Philippa
, les
archers étaient restés immobiles, attendant les ordres. Soudain,
leur chef poussa un cri perçant et toutes les cordes vibrèrent en
même temps. L’air était plein de ce son, coupé par le sifflement
des flèches et les aboiements des chefs de groupes.
– Doucement ! Tirez doucement !
Tous ensemble ! À cent vingt pas ! Cent pas !
Quatre-vingts pas ! Tirez tous ensemble !
Lorsque les deux grands bateaux s’abordèrent,
l’espagnol vira de quelques degrés afin d’adoucir le choc qui n’en
fut
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