Sir Nigel
ses fauves, jusqu’à ce qu’il
les eût chassés vers leur travail. Au matin du quatrième jour, tout
était prêt et, lorsque les amarres furent larguées, les trois
petits bateaux furent toués à travers le port par leurs propres
pinasses jusqu’à ce qu’ils fussent ensevelis dans les profondeurs
du brouillard sur le détroit.
Quoique de modeste effectif, ce n’était pas
une petite force qu’Édouard avait envoyée pour soulager les
garnisons oppressées de Bretagne. Rares étaient les hommes parmi
eux qui ne fussent point de vieux soldats, et ils étaient conduits
par des gens d’expérience, tant dans les conseils qu’au combat.
Knolles avait fait flotter son étendard au cordeau de sable sur le
mât du
Basilisk
. Avec lui se trouvaient son propre écuyer,
John Hawthorn, et Nigel. Sur ces cent hommes, quarante étaient des
habitants des vallées du Yorkshire et quarante, des hommes du
Lincolnshire, tous archers éprouvés, conduits par Wat de Carlisle,
vétéran grisonnant.
Déjà Aylward, par son adresse et sa force,
avait obtenu un commandement en second et partageait avec Long Ned
Widdington, son imposant concitoyen du Nord, la réputation d’être
un autre Wat de Carlisle en tout ce qui faisait un bon archer. Les
hommes d’armes aussi étaient des habitués des guerres ; les
commandait Black Simon, de Norwich, qui avait fait la traversée de
Winchelsea avec Nigel. Le cœur rempli de haine pour les Français
qui avaient tué tous ceux qui lui étaient chers, il se lançait
comme un chien d’arrêt, sur terre et sur mer, partout où il
espérait assouvir sa vengeance. Quant à ceux qui voguaient sur les
autres bâtiments, ils étaient à l’avenant : des hommes du
Cheshire, près de la frontière galloise, sur le
Thomas
, et
des hommes du Cumberland, habitués des guerres d’Écosse, sur le
Grâce-Dieu.
Sir James Astley avait suspendu sur le
Thomas
son bouclier à la quintefeuille d’hermine. Lord
Thomas Percy, cadet d’Alnwick, célèbre déjà par le haut esprit de
cette maison qui, pendant des siècles, avait été la clé de sûreté
sur la porte de l’Angleterre, avait fixé son lion rampant d’azur
sur le
Grâce-Dieu
. Telle était la noble compagnie à
destination de Saint-Malo, halée dans le port de Calais avant
d’être plongée dans l’odeur épaisse du brouillard sur le pas de
Calais.
Une brise légère soufflait de l’est et les
bateaux bien arrondis roulaient doucement dans la Manche. Par
moments, le brouillard se levait, leur permettant de se voir l’un
l’autre voguer sur la mer d’huile, mais il retombait aussitôt,
s’accrochant au grand mât, ouatant le pont jusqu’à ce que la mer
elle-même ne leur fût plus visible et qu’ils eussent l’impression
d’être à la dérive sur un océan de vapeur. Une froide pluie fine
tombait ; les archers étaient groupés sous l’abri en surplomb
de la poupe ou dans le château avant où certains passaient des
heures à jouer aux dés, d’autres à dormir, et beaucoup à affûter
leurs flèches et à polir leurs armes.
À l’autre bout, assis sur un tonneau comme sur
un trône, des plateaux et des boîtes de plumes autour de lui, se
tenait Bartholomew, l’armoïer ou fabricant d’armes et spécialement
d’arcs et de flèches, homme gras et chauve dont la tâche consistait
à veiller à ce que les armes de chacun fussent aussi bonnes que
possible et qui avait le privilège de leur vendre le supplément
dont ils pouvaient avoir besoin. Un groupe d’archers, portant leurs
arcs et leurs carquois, faisaient la queue devant lui avec leurs
doléances et leurs requêtes, sous les yeux d’une demi-douzaine de
gradés rassemblés derrière qui écoutaient ses commentaires en
grimaçant.
– Tu ne peux pas le bander ?
demanda-t-il à un jeune archer. Eh bien, c’est que la corde est
trop courte ou le bois trop long. À moins que ce ne soient
peut-être tes bras de bébé qui sont plus propres à tirer tes
houseaux qu’à bander un arc. Allons, paresseux, ton arc !
De la main droite, il saisit le bois par le
centre, en appuya un bout sous le pied droit puis, tirant de la
main gauche sur l’autre, il abaissa l’encoche et y passa facilement
le nœud de la corde.
– Et maintenant, je te prie de le
débander, fit-il en rendant l’arme au garçon.
Ce dernier obéit en faisant un très gros
effort mais il fut trop lent à retirer les doigts et la corde, se
détendant brusquement vers le bas après avoir été
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