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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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espérer d’elle une si grande preuve d’intérêt, vint me voir avec son mari, pour m’exprimer toute la joie qu’elle éprouvait de me trouver sain et sauf. Je fus bien vivement touché de cette obligeante attention ; une mère, une femme, une sœur, n’auraient ni mieux exprimé leur joie, ni donné plus d’expression à leur légitime tendresse. Cette visite inattendue me fit oublier bien des souvenirs amers.
    Au cours de cette journée du 29, les deux bataillons du régiment qui étaient sur l’autre rive de la Seine, après avoir passé une partie de la nuit et de la matinée dans le jardin des Tuileries, étaient allés prendre position dans les Champs-Élysées. C’était le moment où les Parisiens attaquaient le Louvre, et peu après le palais du roi. Le palais pris, toutes les troupes se retirèrent en désordre sur Saint-Cloud, en prenant toutes les directions qui y conduisent. Notre 15 ème , toujours rallié et maintenu, forma l’arrière-garde pour soutenir la retraite. Il se retirait par le quai. Malheureusement, la barrière des Bonshommes ou de Passy était fermée et défendue par les gardes nationaux d’Auteuil, Boulogne, Passy, etc. La situation était critique : attaqué en queue et en flanc, placé entre la Seine et la colline de Chaillot, que garnissaient des tirailleurs audacieux et adroits, on se trouvait acculé dans une impasse, et dans l’impossibilité de faire aucun mouvement, à moins de revenir sur ses pas pour marcher sur le ventre des Parisiens et prendre le pont d’Iéna. Le capitaine Bidou, qui commandait la première compagnie des carabiniers, eut l’heureuse idée de faire mettre la crosse en l’air à sa compagnie. Ce signal pacifique fut compris et la barrière s’ouvrit pour laisser passer le seul régiment qui ne fût pas entièrement démoralisé. Quoiqu’il ne répondît pas aux coups de feu, des individus placés sur la colline, et cachés derrière des murs, ne discontinuèrent pas de tirer sur lui, et, par malheur, avec une adresse féroce. Un capitaine fut tué, ainsi que plusieurs soldats, deux officiers et beaucoup de soldats furent blessés. Ils tombèrent victimes de la funeste adresse de quelques individus, qui croyaient sans doute s’illustrer en assassinant de sang-froid et sans danger des compatriotes, plus français et meilleurs citoyens qu’eux, puisqu’ils ne répondaient pas à leur attaque, et qu’ils se retiraient sans combattre. Cet acte barbare fut un véritable crime, qu’on ne saurait trop anathématiser.
    Après avoir passé la barrière, le régiment fut se reposer sous les ombrages du Bois de Boulogne, où les habitants d’Auteuil, sur la demande du colonel, lui apportèrent avec empressement des vivres. La chaleur était excessive, on était accablé de fatigues, de chagrins et de funestes pressentiments. C’était entre midi et quatre heures. Le dauphin vint voir le régiment. Il fut accueilli froidement. Le prestige avait disparu, le malheur avait passé sur toutes les têtes, si fières, si droites quelques jours auparavant. On vit un homme, plus que médiocre, se montrer quand le danger était passé, qui ne sut ni remercier, ni encourager. La défection commença, après cette revue. On se mit en marche pour Vaucresson, en passant par Saint-Cloud, où l’on délibéra longtemps pour savoir si on permettrait de traverser le parc, pour abréger la distance. Le régiment passa sous les fenêtres du roi ; il était alors à dîner, ce qui fut cause sans doute qu’il ne se dérangea pas pour le voir, et pour saisir cette occasion de dire de ces choses qui dédommagent un peu des fatigues et des dangers courus. Cette indifférence maladroite blessa vivement les officiers, qui regrettèrent alors d’avoir quitté Paris et de s’être exposés pour un prince qui ne leur en tenait aucun compte.

ADHÉSION AU NOUVEAU RÉGIME
     
    30juillet. – De grand matin, la majeure partie des officiers du régiment qui se trouvaient à Paris se réunirent chez moi pour prendre, tous ensemble, une détermination sur la conduite que nous devions tenir. Il fut résolu à l’unanimité que je me présenterais dans la matinée chez le lieutenant-général, comte Gérard, membre du gouvernement provisoire, et au domicile de M. Laffitte, banquier et député, pour donner notre adhésion au nouvel ordre de choses, et prendre des ordres dans notre singulière position.
    Chef de corps, par l’absence du colonel qui était avec les deux

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