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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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proposition acceptée, je fis ouvrir la porte aux trois commissaires désignés qui se trouvaient être : un élève de l’École polytechnique, un étudiant en droit de ma connaissance, et un personnage décoré, probablement officier en demi-solde, dont je fus très peu satisfait. Après des débats assez longs, dans cette conférence diplomatico-militaire, qui se tenait dans le corps de garde, il fut établi qu’on n’entrerait point dans ma caserne, que je ne remettrais qu’un certain nombre de fusils qu’on ferait passer par les croisées, et que l’élève de l’École Polytechnique, un peu malade, resterait en otage près de moi pour la garantie des conditions convenues. Tout fut exécuté de bonne foi, de part et d’autre. Quand j’eus déclaré à plusieurs reprises que je n’avais plus d’armes à donner, on se retira fort satisfait, en criant : « Vive le commandant, vive le 15 ème léger ! » Quant à moi, je les envoyais au diable de bien bon cœur. Je fis de suite armer de nouveau les chasseurs qui ne l’étaient plus, et reprendre à chacun les postes qui leur étaient désignés.
    Je n’eus qu’à me louer des commissaires avec lesquels je traitais. Ils furent pleins de bons procédés. Pour atténuer tout ce que cet événement avait de douloureux pour moi, ils me firent de bienveillants compliments sur la manière dont j’avais conduit cette affaire jusqu’à sa fin, sur le succès que j’avais obtenu pour la conservation des magasins, sur ma conduite prudente et habile de la veille, place du Panthéon, etc. Malgré tous ces éloges, exprimés avec générosité, l’idée d’avoir remis des armes sans combattre m’obsédait comme un reproche. Il me semblait que j’avais terni par une honteuse condescendance mes vingt-six années de service. Du reste, je ne vis pas, dans les regards des officiers, un seul signe de blâme ni de mécontentement ; au contraire, ils me témoignèrent tous leur profonde gratitude, et leur satisfaction de s’être tirés honorablement d’une position assez délicate. Pour me le prouver, ils m’embrassèrent tous. Cet épanchement de l’âme, après une crise semblable, avait quelque chose de salutaire pour nous. Si ce n’était pas une justification, c’était du moins l’approbation de tous.
    Nos casernes de Lourcine et du Foin furent pillées, mais les soldats qui les occupaient furent respectés. Le même sort fut réservé aux casernes des gardes du corps, de la garde, et des autres régiments de la garnison. Celle de Babylone, où étaient les Suisses de la garde, fut défendue d’abord, et ensuite abandonnée, après avoir vu tomber plusieurs des Suisses, sous les coups d’une attaque en règle par une masse d’insurgés. Heureusement les défenseurs purent gagner les boulevards dont ils étaient proches, car ils auraient été tous massacrés. Après qu’ils l’eurent pillée, les insurgés y mirent le feu.
    Peu de temps après que j’avais remis une partie de mes armes, d’autres bandes d’insurgés se présentèrent. Il fallut leur en donner encore ; d’autres suivirent avec les mêmes exigences. C’était en vain que je leur disais que je n’en avais plus, ils en voulaient absolument. Ils demandaient à visiter la caserne, ce que je refusais obstinément. Pour éviter ce malheur et le contact de ces hordes déguenillées, je fis prendre quelques fusils au magasin, où il s’en trouvait plus de cinq cents, ainsi que plusieurs milliers de cartouches à balles. Ces bandes se renouvelant sans cesse, je compris que ma position se compliquait et devenait inquiétante. Pour sauver mes hommes, qui n’auraient pu bientôt plus se défendre, en cas de persistance dans le projet de pénétrer dans la caserne, je sortis du quartier pour aller inviter un capitaine de la garde nationale, que je voyais en uniforme à l’extrémité de la rue, à mettre un poste de gardes nationaux armés pour la protéger et la garder, renonçant désormais à le faire. Je lui remis les clés des magasins et des bureaux, en le rendant responsable de tout ce qui s’y trouvait. Il s’en chargea et conserva tout, excepté ce qui était l’objet d’armement et de grand équipement, qu’il fit prendre pour organiser les compagnies de sa légion.
    Ce fut pour moi une grande satisfaction de n’avoir plus de rapport avec toutes ces bandes à faces sinistres, qui venaient, la plupart, chercher des fusils pour les revendre aux gardes nationaux qui

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