Spartacus
attaqué, blessé l’une de nos sentinelles, dit Castricus. Il a déserté le corps des auxiliaires. Il mérite la mort. Le tribun doit appliquer la loi.
— Tu m’as vendu sa vie, répliqua Posidionos.
Il sortit de la bourse deux nouvelles pièces.
— Je t’achète la femme, ajouta-t-il en montrant Apollonia qui continuait de psalmodier.
— Celle-là…, commença Castricus.
Il haussa les épaules.
— Celui qui la veut, la prend. C’est une chienne.
Il eut une moue de mépris.
— Mais tu es grec, reprit-il. Vous autres grecs, et même toi, rhéteur, vous êtes tous des chiens. Prends donc la chienne.
— C’est la vie de l’homme que je t’ai achetée, répéta Posidionos.
Il s’accroupit près de Spartacus dont le visage tuméfié, congestionné, grimaçait de douleur.
— C’est une marchandise de prix et tu l’as maltraitée.
Nomius Castricus se précipita, décocha de toute sa force un coup de pied dans le flanc de Spartacus qui tenta de se recroqueviller.
— Je t’ai vendu sa vie, dit Castricus, mais le tribun doit le juger. C’est lui qui décidera.
Il fit un geste et deux légionnaires soulevèrent Spartacus qui chancela, puis se redressa, et tout à coup se rua tête baissée sur Castricus qui, d’un coup de poing, l’envoya à terre. Les légionnaires le frappèrent alors avec la hampe de leur javelot, et le corps de Spartacus fut bientôt strié de larges tramées rouges.
— Arrête-les, dit Posidionos. Tu perds une fortune.
D’un geste de la main, Castricus ordonna aux légionnaires de s’éloigner de Spartacus.
— Il a déserté. Tu l’as repris, continua Posidionos. Tu as des droits sur lui. Mais sa vie est à moi aussi. Si tu le tues, tu jettes des pièces d’or dans la mer.
Le centurion regardait Posidionos sans paraître comprendre.
— Fais-le juger par les dieux, dit le Grec. Qu’il livre combat dans l’arène. Le tribun acceptera. Si le Thrace meurt, il est châtié. S’il vit, il sera esclave. Dans l’un et l’autre cas, il ne t’échappera pas.
— Et toi ?
— Je suis curieux du destin des hommes et du choix des dieux, répondit Posidionos. Comme tu l’as noté, je suis grec.
11
Spartacus était allongé, nu, les yeux fermés, les bras le long du corps, les jambes légèrement écartées.
Le sang avait séché sur sa peau lacérée.
Les légionnaires qui l’avaient jeté dans cette cage de bois dressée au milieu du camp de la VII e Légion avaient dénoué ses liens et placé près de lui une écuelle de soupe de blé ainsi qu’une jarre pleine d’eau.
Spartacus devait rester en vie et recouvrer sa vigueur puisque le tribun Calvicius Sabinius avait décidé que le Thrace affronterait en combat à mains nues Galvix, l’un des Barbares daces que l’on avait épargné, tant son corps gigantesque et sa force démesurée semblaient n’avoir pu naître que d’un accouplement des dieux. Il méritait donc une mort particulière, non un égorgement de bête sur le champ de bataille. Sur ordre du tribun, on avait ainsi traîné Galvix dans le camp et on l’avait enchaîné au pied de la tribune du forum.
Jaïr le Juif, Jaïr le guérisseur, qui venait de rentrer au camp avec sa besace remplie d’herbes, ses flacons de venin, ses petites bourses d’insectes pilés, l’avait soigné. Et le Dace tirait maintenant sur sa chaîne comme un molosse furieux auquel les légionnaires lançaient de loin du pain et des morceaux de viande, puis poussaient vers lui, du bout de la hampe de leur javelot, un récipient plein d’eau.
Galvix grognait, tentait d’arracher sa chaîne, puis dormait, couché en boule, le poing fermé sous sa joue droite.
— Ça fera un beau combat, avait décrété le tribun lorsqu’on lui avait montré Spartacus.
Mais, depuis trois jours, Spartacus ne bougeait pas et le centurion Nomius Castricus s’inquiétait.
Il avait fait plusieurs fois le tour de la cage, s’arrêtant presque à chaque pas afin d’observer, entre les pieux qui tenaient lieu de barreaux, le corps du Thrace.
Spartacus avait les lèvres serrées et sa poitrine restait immobile.
De la pointe de son glaive, Castricus lui avait piqué le flanc à deux reprises sans qu’il tressaillît.
Au même instant, un chien avait hurlé à la mort.
Castricus avait aperçu l’animal couché devant l’autel où l’on célébrait le culte des dieux, où se lisaient les signes de leur volonté et se déchiffraient leurs
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