Spartacus
poursuivit :
— Si tu es esclave, ce petit trésor te permettra d’acheter ta liberté. J’appuierai ta demande auprès de ton maître. Je prêcherai l’indulgence si tu as commis quelque forfait. Je sais parler. J’enseigne. Je suis grec. On me connaît, on me respecte. Laisse-moi en vie et tu n’auras pas à regretter ta clémence.
L’homme avait le corps lourd, mais il descendit lestement de la voiture comme si son poids n’entravait en rien ses mouvements, lui laissant vivacité et agilité.
Il s’approcha de Spartacus et le dévisagea.
— Mais je me suis trompé sur toi. Tu es un homme libre, tu as le regard d’un guerrier. Alors, cet argent que je t’ai donné – je ne dis pas que tu me l’as volé : tu n’as rien exigé –, utilise-le pour t’éloigner des Romains. C’est un Grec qui te parle. Je sais tout d’eux. J’ai enseigné à Rhodes la philosophie aux jeunes aristocrates qui rêvent d’occuper les plus hautes charges de la République. J’ai parcouru toute la Méditerranée, de l’Asie à l’Espagne. Je n’y ai vu que des peuples soumis, des hommes marqués comme des bêtes sur le front ou la joue. Écoute-moi ! Les Romains ne supportent que ceux qui les servent. Tu es d’ici, de Thrace ? Quitte ton pays. Ceux qui agissent au nom de Rome, qu’ils soient tribuns, centurions ou simples citoyens de la République, n’auront de cesse de faire de toi un esclave. Ils ont besoin de bras vigoureux. Ils t’emploieront sur leurs domaines, si vastes qu’ils n’en connaissent pas les limites. J’ai vécu en Sicile et en Numidie, en Espagne. J’ai vu les hommes à l’échine courbée, plus frappés que des bœufs. Et si tu échappes aux travaux des champs, ils t’enfouiront dans une de leurs mines pour y extraire l’argent ou l’or. Tu ne seras plus qu’un rat. Tu y perdras ta peau, tes yeux, ta vie.
Il pencha la tête, jaugea le corps de Spartacus.
— Ou bien, parce que tu es fort, un laniste, un organisateur de jeux t’achètera et te poussera dans l’arène. Même les plus petites villes en possèdent une. On lâchera contre toi des bêtes fauves ou des gladiateurs germains ou numides. Il te faudra te battre, la foule t’applaudira ou exigera ta mort. Tu survivras peut-être aux premiers combats, mais ton destin sera scellé. Tu seras égorgé ou lacéré dans l’arène, et on tramera ton corps dans le sable avant d’en nourrir les lions et les tigres.
D’un mouvement du menton, il montra la bourse que Spartacus tenait toujours entre ses mains.
— Avec ce qu’elle contient, tu peux survivre, mais cours aussi vite que tu peux ! Je connais mes esclaves. Ils ont dû avertir un poste de guet romain, espérant ainsi qu’on ne les châtiera pas pour avoir fui. On va venir à mon secours, parce que l’on sait que je suis l’ami du tribun Calvicius Sabinius. Que pourras-tu faire contre une centurie ? Tu seras capturé.
Il posa la main sur l’avant-bras de Spartacus.
— Écoute Posidionos, dit-il. Grec, je suis un homme sage.
Spartacus dégagea son bras et jeta la bourse aux pieds de Posidionos.
10
Les légionnaires ont surgi de la forêt.
Apollonia a hurlé, bondi, mais ils s’étaient déjà jetés sur Spartacus et l’avaient terrassé.
Alors elle s’est agenouillée et a commencé d’invoquer, bras levés, Dionysos pour qu’il protège Spartacus.
Les légionnaires l’ont ignorée.
Ils maintenaient le Thrace couché sur le sol, le visage enfoncé dans la terre boueuse. Ils lui liaient les bras derrière le dos, coudes joints. Ils lui entravaient les chevilles, puis s’écartaient afin que le centurion Nomius Castricus pût s’approcher, poser son talon sur la nuque de Spartacus. Le centurion se baissa, saisit les cheveux du Thrace à pleines mains et lui souleva la tête.
— Je t’avais prévenu !
Castricus hésita. Il eût suffi qu’il tirât les cheveux d’un coup sec tout en continuant d’appuyer son pied sur la nuque de Spartacus pour que celui-ci en mourût.
— Ne le tue pas, fit Posidionos en s’avançant.
Il montra sa bourse à Castricus.
— J’achète sa vie.
Il enfonça la main dans sa bourse, en sortit une pièce d’or, puis une seconde sans que Castricus bougeât.
— Si tu le tues, je me plaindrai au tribun Calvicius Sabinius.
Castricus retira son pied, lâcha les cheveux de Spartacus dont la tête retomba ; puis le centurion prit les pièces que Posidionos lui tendait.
— Il a
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