Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Spartacus

Spartacus

Titel: Spartacus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
à coup, il respire bruyamment, comme s’il étouffait et ne supportait plus cette odeur de poisson pourri, douce et aigre à la fois, qu’exhale ce quartier de Vélabre où Cnaeus Lentulus Balatius les a conduits après les avoir achetés au marché aux esclaves. On le dirait bâti sur un monceau de viandes avariées, de fruits blets, de boue, de merde et de sang mêlés.
    Il se tourne, essayant de ne plus haleter, d’imiter Jaïr le Juif, assis près de lui, bras croisés, le dos droit sur ses jambes repliées, qui semble fixer l’horizon au-dela du muret qui ferme la salle et devant lequel passent et repassent ces hommes en armes qui appartiennent au ludus de Balatius.
    Ce sont eux qui ont lié les uns aux autres les esclaves achetés ; eux qui les ont escortés jusqu’à cette salle ; eux qui ont repoussé la foule qui voulait toucher ces esclaves promis au rôle de gladiateur ; eux encore qui ont exigé une pièce pour permettre à telle ou telle femme de se frotter à ce Numide ou à ce Celte, de lui chuchoter qu’elle viendrait le rejoindre, cette nuit, et qu’il ferait ce qu’il voudrait d’elle – et de trembler, la tête rejetée en arrière, la bouche ouverte, vieille femme au corps avide et transi.
     
    Elles sont là, ces femmes, à rôder de l’autre côté du muret, entourant les hommes en armes. Parfois, l’un d’eux s’éloigne avec l’une ou l’autre accrochée à son bras, qui se contente de ce gladiateur qui ne combat plus, devenu surveillant, entraîneur, serviteur du maître du ludus , Cnaeus Lentulus Balatius.
    Ces hommes-là sont ceux dont la mort n’a pas voulu, que le destin a épargnés ; le corps qu’ils exhibent est couturé de cicatrices.
    La lame du glaive a glissé sur sa gorge, explique l’un d’eux, comme si Zeus avait retenu le bras de l’adversaire qui avait cru lui avoir tranché le cou, et cette illusion lui avait coûté la vie.
    — Et je suis là, poursuit l’homme, avec mon collier.
    Et il fait toucher cette boursouflure de chair qui lui ceint la gorge.
    Un autre découvre les trois sillons longs et profonds qui lui creusent le torse, du cou jusqu’à la taille.
    — Griffes d’ours, dit-il fièrement.
    Puis, repoussant du javelot la vingtaine d’esclaves dans la salle, il lance :
    — Si un gladiateur veut survivre, il doit aimer la mort, dormir chaque nuit avec elle, marcher le jour appuyé à son bras. Et, dans l’arène, être son esclave, tuer pour l’honorer. Être prêt à tendre le cou, quand on est désarmé et que le vainqueur lève le glaive, dans l’attente du signe du maître et des ordres de la foule.
    Il crie :
    — Votre destin est de mourir, gladiateurs ! C’est pour cela que les femmes, toutes les femmes vont vouloir jouir de vous. Elles nous appellent « infâmes », mais elles rêvent de nous lécher, de nous ouvrir leur bouche et leurs cuisses !
    Il se tourne.
    — Les voici, les chiennes !
    Et Spartacus les voit, fardées, lèvres entrouvertes, entourant les gardiens, les suppliant de les laisser pénétrer dans la salle ou bien de leur donner eux-mêmes un peu de leur force, eux qui ont connu le combat dans l’arène.
     
    Spartacus serre la cuisse d’Apollonia.
    — J’ai fait un songe, lui dit-il.
    Elle l’écoute alors raconter comment ce serpent s’est enroulé autour de son visage, lui a caressé les lèvres de sa langue fourchue.
    Elle se met à trembler, à osciller, les yeux exorbités. Elle dit qu’il sera le maître d’une grande et terrible puissance, qu’innombrables seront ceux qui se rassembleront autour de lui, constituant une armée d’hommes redevenus libres dont il sera le prince victorieux.
    Elle se balance de plus en plus vite d’avant en arrière, invoquant Dionysos, et murmure :
    — Toi, Spartacus, guerrier de Thrace, toi qu’on a enchaîné comme esclave, toi sur qui veillent les dieux, tu feras trembler Rome !
    Ses mots se chevauchent, elle semble perdre la raison, branlant de la tête, ses cheveux lui balayant les épaules, ses paumes lui écrasant les oreilles comme si elle voulait s’empêcher d’entendre puis de répéter ce qu’une voix lui dicte, martèle, et à la fin, écartant les bras, elle clame et crie plus qu’elle n’énonce.
    Elle dit que cette terrible puissance, ce pouvoir de prince dont Spartacus va disposer, enfanteront pour lui une fin aussi malheureuse que les plus grands triomphes obtenus.
    — Les dieux reprendront ce qu’ils ont donné,

Weitere Kostenlose Bücher