Spartacus

d’agriculture qui témoigne de la rigueur des propriétaires de domaines agricoles. Sans aucun état d’âme, Caton conseille ainsi de mettre « en vente les bœufs en retour d’âge, les veaux et les agneaux sevrés, la laine, les peaux, les attirails hors de service, la ferraille, les esclaves vieux ou maladifs, enfin tout ce dont [on] n’a pas besoin 18  ». Plutarque évoque d’autres pratiques de cette époque dans la biographie qu’il consacre au même Caton : « Il possédait un grand nombre d’esclaves : c’étaient des prisonniers qu’il achetait, choisissant les plus jeunes, et par là les plus faciles à élever et à dresser, comme de jeunes chiens ou des poulains. Nul de ses esclaves n’entrait dans une maison étrangère, qu’il n’y fût envoyé par Caton ou par sa femme… Caton voulait qu’un esclave fût toujours occupé dans la maison, où qu’il dorme… Persuadé que rien ne portait plus les esclaves à mal faire que l’amour des plaisirs sensuels, il avait établi que les siens pourraient voir, en certain temps, les servantes de la maison […] avec défense d’approcher d’aucune autre femme […]. Plus tard, quand sa fortune se fut augmentée, et qu’il donnait des festins à ses amis et à ses collègues, il fouettait, avec une courroie, aussitôt après le repas, ceux qui avaient servi négligemment, ou mal apprêté quelque met […]. Si l’un d’eux avait commis un crime digne de mort, il le jugeait en présence de tous les autres et, s’il était condamné, le faisait mourir devant eux 19 . » Soumis à un travail continuel, frappés à la moindre incartade, privés de famille, tributaires de la bonne volonté du maître pour leurs rapports sexuels, tués en cas de faute grave et abandonnés comme un outil cassé avec l’âge, tel est le sort de la plupart des esclaves ruraux dans l’Italie des II e et I er  siècles avant notre ère.
    Dans les faits, l’assassinat d’un esclave est rare car il entraîne la perte d’une force de travail et diminue le patrimoine de son maître. Même si tous ne sont pas aussi sévères que Caton, la concentration des esclaves et la dureté des traitements qui leur sont infligés entraînent plusieurs révoltes importantes avant celle de Spartacus. Sans remonter très loin dans le temps, les deux plus notables ont pour théâtre la Sicile, en 139 et en 104 av. J.-C. A chaque fois des dizaines de milliers d’esclaves se rebellent, s’organisent sous l’autorité de chefs charismatiques et entraînent Rome dans des guerres coûteuses. Ces deux premières « guerres serviles » sont encore dans les mémoires des Romains lorsque Spartacus entre dans l’histoire pour déclencher, sans le vouloir vraiment, la troisième et dernière guerre des esclaves.

    Spartacus, le Thrace
    Spartacus est un esclave thrace à l’origine controversée. Spartacus est-il seulement son véritable nom ? On sait que les gladiateurs portent souvent un nom de scène qui met en valeur leurs qualités réelles ou supposées. Ainsi Velox est un gladiateur rapide tandis que Felix est un chanceux. Spartacus pourrait donc avoir été nommé ainsi en référence aux légendaires guerriers de Sparte que les Romains admirent tant. Toutefois cette hypothèse, avancée par certains auteurs modernes, peut difficilement être retenue. Si l’usage des surnoms attribués aux gladiateurs est très bien établi à l’époque impériale, rien ne permet de dire qu’une telle pratique soit déjà en vigueur sous la République. De plus, Spartacus est bien un nom thrace connu sous différentes formes. Dès le V e  siècle avant J.-C., plusieurs rois de Thrace portent les patronymes de Spartokos ou Spardocos. Il est donc très probable que ce nom soit bien le sien et trahisse une origine aristocratique. Florus présente Spartacus comme « un ancien Thrace tributaire ». Suivant cet auteur romain, il faudrait alors comprendre que Spartacus appartient à une tribu thrace ralliée à Rome. C’est donc davantage en tant que mercenaire, ou du moins en tant qu’allié, qu’il faut imaginer le premier contact de Spartacus avec Rome. D’après Florus, qui résume son passé en quelques mots, Spartacus est ensuite devenu soldat. Ce statut d’auxiliaire de la puissance romaine est important : il suggère que le futur rebelle a connu l’armée romaine de l’intérieur. La capacité qu’il aura à contrer les légions, à entraîner ses troupes sur le modèle