Spartacus
romain, et jusqu’à sa façon de s’attribuer les emblèmes romains trouvent sans doute là une explication. L’exemple ne serait d’ailleurs pas unique : Vercingétorix et plus tard le Germain Arminius ont eux aussi été initiés de cette façon aux forces et aux faiblesses de l’armée de Rome pour mieux pouvoir la combattre ensuite. Quoi qu’il en soit, cette période de collaboration avec les Romains ne doit pas être au goût de Spartacus car, toujours d’après Florus, il déserte et devient, comme la plupart des déserteurs, brigand. On ignore dans quelle contrée Spartacus exerce ce nouveau métier mais sans doute doit-il s’attaquer aux voyageurs et aux fermes isolées en compagnie de quelques complices. Sans doute est-il capturé car il devient gladiateur « en considération de sa force ». Ainsi, Spartacus serait un déserteur et un brigand devenu gladiateur par punition en subissant la peine infamante de la « damnatio ad gladium » . Prononcée par les tribunaux romains, cette sentence équivaut pratiquement à une condamnation à mort.
Une citation tirée d’une œuvre perdue de Varron donne une version différente. D’après cet agronome contemporain de la révolte des esclaves, Spartacus aurait été « jeté sans avoir commis de faute dans la gladiature 20 ». Deux siècles plus tard, l’historien grec Plutarque confirme cette version en affirmant que Spartacus n’était « coupable d’aucune mauvaise action ». Appien fait un récit tout aussi elliptique que Florus des débuts de Spartacus mais il donne une version plus nuancée de son passé tout en se rapprochant des affirmations de Varron et de Plutarque. Appien rapporte ainsi qu’il « avait antérieurement servi dans quelque légion, et, fait prisonnier de guerre, a été vendu ». Le terme « légion » utilisé dans ce cas est trompeur. Il faudrait plutôt comprendre que Spartacus a fait la guerre contre Rome avant d’être capturé et vendu. Plutarque précise que Spartacus a été vendu directement à Rome. Dans la version des historiens grecs, Spartacus ne serait donc pas passé par l’école du brigandage ; Appien et Plutarque le présentent plutôt sous le jour plus digne d’un prisonnier de guerre captif. Aucune des deux versions n’est invraisemblable. Brigand ou vaincu, Spartacus vient de toute façon partager le sort de nombreux autres Thraces. Ils se retrouvent mélangés à des milliers d’esclaves transportés sur le sol italien. Plutarque nous désigne également Spartacus comme « un Thrace du pays des Maides ». Certaines versions du même manuscrit le présentent comme un « Thrace de nation, mais de race numide ». Cette évocation de la race numide de Spartacus est difficilement compréhensible. Comment un Thrace vivant dans l’actuelle Bulgarie serait-il de race numide, c’est-à-dire originaire du nord de l’Algérie actuelle, alors qu’à l’époque ces deux régions n’ont aucun lien entre elles ? Plutôt qu’une erreur de Plutarque, qui n’aurait pas manqué de souligner le caractère improbable de ce rapprochement, il faut imaginer une corruption du texte lors de sa retranscription au Moyen Age. En effet, le nom grec de Maidikos (de race maide) a pu être retranscrit de manière fautive en Nomadikos (nomade ou Numide) 21 . Cette « race maide » dont il est question dans certains manuscrits correspond bien à un peuple de l’actuelle Bulgarie vivant, à l’époque de Spartacus, entre la région de Sofia et le mont Rila. Soumis aux Macédoniens, les Maides se révoltèrent en 340 av. J.-C. Agé de seize ans, le futur Alexandre le Grand reçut à cette occasion son baptême du feu en ramenant la tribu barbare sous l’autorité de son père Philippe. Au I er siècle av. J.-C., la région est théoriquement sous autorité romaine mais ses populations sont toujours aussi turbulentes.
Un homme d’exception…
Toujours d’après Plutarque, Spartacus réunit « à une grande force de corps et à un courage extraordinaire, une prudence et une douceur bien supérieures à sa fortune ». Et, compliment ultime, ses qualités seraient « plus dignes d’un Grec que d’un Barbare ». Comme on le voit, l’auteur des Vies parallèles ne tarit pas d’éloges pour Spartacus. C’est un des nombreux traits étonnants de ce personnage qui parvient, malgré sa condition d’esclave, à s’attirer les louanges plus ou moins explicites de ses biographes antiques. A ces
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