Spartacus
éloges Plutarque ajoute une dose de merveilleux qui ne doit pas nous surprendre : « On raconte que la première fois qu’il fut mené à Rome pour y être vendu on vit, pendant qu’il dormait, un serpent entortillé autour de son visage. Sa femme, de même nation que lui, qui, possédée de l’esprit prophétique de Bacchus, faisait le métier de devineresse, déclara que ce signe annonçait à Spartacus un pouvoir aussi grand que redoutable et dont la fin serait heureuse. Elle était alors avec lui. » Il est possible que cette anecdote ait été forgée par l’historien lui-même pour souligner a posteriori le sort exceptionnel que la destinée réservait au célèbre Thrace. Ajoutons que la Thrace était connue dans l’Antiquité pour la ferveur avec laquelle le culte de Dionysos (Bacchus) y était célébré. Quoi qu’il en soit, Plutarque introduit ici une notion sur laquelle nous n’avons pas beaucoup d’autres renseignements mais qui pourrait avoir son importance pour la compréhension du personnage. Au siècle précédent, lors de la première grande guerre servile en Sicile, le Syrien Eunus prit la tête des esclaves en utilisant certains pouvoirs magiques qu’il prétendait posséder. Spartacus ne se présente pas lui-même comme un mage, mais il semble bien qu’il soit accompagné dans son aventure par une devineresse. Cette femme, dont Plutarque nous dit simplement qu’elle accompagne Spartacus dans sa fuite, a peut-être contribué à légitimer son pouvoir sur des troupes certes hétéroclites mais pour lesquelles le merveilleux et les présages avaient une importance que nous avons du mal à imaginer aujourd’hui.
… et un méprisable gladiateur
Contrairement à Plutarque, Florus, qui écrit lui aussi plus de deux siècles après les faits, utilise des mots plus durs, sinon pour Spartacus, du moins pour la révolte qu’il a dirigée. En cela, il témoigne bien de la crainte et de l’aversion des hommes libres de l’Antiquité vis-à-vis des esclaves et tout particulièrement des gladiateurs. « On supporterait peut-être encore la honte d’une guerre contre des esclaves. S’ils sont, par leur condition, exposés à toutes les servitudes, ils n’en sont pas moins comme une seconde espèce d’hommes, et nous les associons aux avantages de notre liberté. Mais quel nom donner à la guerre provoquée par Spartacus ? Je ne sais ; car des esclaves y servirent, des gladiateurs y commandèrent. Les premiers étaient de la plus basse condition, les seconds de la pire des conditions, et de tels adversaires accrurent les malheurs de Rome par la honte dont ils les couvrirent. » Même si, comme nous l’avons vu, Florus souligne la force physique de Spartacus, son statut de gladiateur en fait un homme de la « pire des conditions ». Cette aversion pour la condition des gladiateurs est assez paradoxale chez les Romains : méprisables esclaves liés à la mort, livrés presque nus au bon plaisir du public, mais pourtant leur courage et leur habileté au combat sont source de passion et de secrète admiration.
Comme on le voit, les historiens dressent un portrait plutôt flatteur de Spartacus. La plupart lui attribuent la force d’un méprisable gladiateur alliée à la finesse d’un véritable général. Pour autant des zones d’ombre demeurent. Certains auteurs modernes ont avancé l’idée d’une naissance princière. Il est très difficile de trancher, mais certains détails de son histoire laissent à penser que Spartacus a sans doute reçu une éducation aristocratique. Ainsi, il combat à cheval et semble connaître la géographie de l’Italie. Plus généralement, il sait prendre des décisions stratégiques très sages. Tout cela serait assez étonnant chez un simple brigand sans instruction.
Enfin, rien ne nous permet de connaître l’âge précis de Spartacus. Tout au plus pouvons-nous établir une fourchette large entre vingt et trente ans. Il est peu probable que Spartacus ait moins de vingt ou vingt-cinq ans au début de son aventure. Ses actions dénotent une certaine expérience qu’il aurait eu du mal à acquérir avant cet âge. Par ailleurs, le fait qu’il soit enrôlé comme gladiateur suppose qu’il n’a pas dépassé l’âge de trente ans, considéré comme déjà avancé pour entreprendre cette carrière difficile.
Spartacus, un esclave parmi tant d’autres
Quels que soient son origine et son âge, Spartacus échoue à Rome sans doute en 74
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