Staline
nom, disait-il, est […]
indissolublement lié à la révolution d’Octobre victorieuse, l’Armée rouge, le
communisme et la révolution mondiale ». Il ne pouvait donc « admettre
la possibilité » que Trotsky n’appartienne plus à la direction du parti
russe et de l’Internationale [485] .
Staline rédige, le 4 février 1924, une réponse du Bureau politique
qui condamne la lettre des Polonais, mais cette condamnation verbale ne lui
suffit pas : il veut des sanctions. Zinoviev, irrité par leurs critiques
contre son autoritarisme, lui ouvre la voie en les menaçant de leur « briser
les os ». Staline n’a plus qu’à traduire en actes ces propos musclés.
Il corrige personnellement la résolution, qui accuse le « groupe
dirigeant du Parti communiste polonais à l’étranger » d’avoir « transféré
ses tendances antibolcheviques sur le terrain même de l’URSS et tenté de
frapper dans le dos le Comité central bolchevik dans le moment difficile marqué par le départ de Lénine et par les tentatives opportunistes de l’opposition
russe d’ébranler les fondements du Parti communiste russe. Il a jeté l’influence
de son parti dans la balance au profit de l’opposition russe contre le PCR
et donc contre le pouvoir soviétique [486] ». Tous les passages soulignés ont été ajoutés de sa main. Ces dirigeants
communistes sont donc anticommunistes. Staline et Zinoviev invitent la délégation
polonaise, qui n’en a pas le droit statutaire, à démettre sa propre direction.
Staline, par écrit, « s’associe pleinement à la décision », qu’il a
en fait dictée. C’est une première dans l’Internationale. Les dirigeants
bolcheviks avaient hier réclamé que le parti français exclue les francs-maçons.
Mais la décision relevait de ses instances. Staline fait appliquer sa décision
par une délégation qui n’en a pas le pouvoir. L’Internationale est un champ d’expérimentation.
Plus tard, il mettra en œuvre systématiquement ce type de pratiques au sein du
parti russe.
Il avance dans le champ de l’Internationale. Dans la revue
Le Bolchevik du 20 septembre 1924, il publie un article sur la
situation internationale dans lequel il déclare : « La social-démocratie
est objectivement l’aile modérée du fascisme […]. Ces organisations ne se nient
pas l’une l’autre, mais se complètent. Ce ne sont pas des antipodes, mais des
jumeaux. » Cette incursion ne constitue encore qu’un aspect secondaire de
son activité, destinée à démontrer qu’aucun domaine ne saurait lui échapper. Il
concentre toujours ses efforts sur les problèmes du pouvoir.
Il lui faut un an pour définir ce qui fonde l’affrontement
entre Trotsky et lui, qui, dit-il, ne se réduit pas à une lutte pour le
pouvoir, mais tourne autour de la question suivante : le pouvoir au
service de qui et de quoi ? et pour quoi faire ? Il y parvient à l’occasion
d’une circonstance, qualifiée abusivement de « discussion littéraire »,
provoquée par Trotsky à l’automne 1924. En septembre paraît le tome III
de ses Œuvres complètes, qui rassemble ses écrits de 1917. Dans « Les
leçons d’Octobre », préface à ce tome, il affirme qu’en cas de situation
révolutionnaire le succès ou l’échec dépendent de la direction du Parti, dont les
éléments conservateurs et routiniers s’opposent à la révolution, comme l’ont
fait en octobre 1917 Zinoviev et Kamenev, cherchant à cantonner le parti
bolchevik au rôle d’opposition parlementaire de gauche.
Staline voit tout de suite le parti qu’il peut tirer de l’affaire,
et lance un pseudo-débat public à sens unique, doublement bénéfique pour lui.
En feignant de défendre tapageusement l’honneur de Zinoviev et de Kamenev, il
rappelle leur opposition à la prise du pouvoir en octobre et fait apparaître
Trotsky comme un incorrigible trublion. Dans cette bataille, il est le seul à
pouvoir donner des coups sans en recevoir. Une avalanche d’articles s’abat
alors sur les « Leçons d’Octobre » et sur le « trotskysme »
ressuscité pour l’occasion. Chacun y va du sien, Molotov, Boukharine,
Sokolnikov, Kviring, Safarov, etc. Zinoviev, Kamenev et Staline publient des
textes semblables aux titres similaires, « Bolchevisme ou trotskysme »,
« Léninisme ou trotskysme » et « Trotskysme ou léninisme »,
publiés dans la Pravda puis dans Correspondance internationale, le bulletin du comintern.
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