Staline
qui ne la partagent pas.
Il réorganise et renforce son appareil. Le 4 mars, il
fait adopter par le Bureau politique la liste des fonctions les plus
importantes relevant de la nomenklatura n o 1, et dont le
Secrétariat, dirigé par lui, définit la liste nominale, soit 647 membres
des principales administrations, des comités de rédaction des revues et journaux
les plus importants, les responsables du Parti des quinze Républiques fédérées
et des régions les plus importantes de Russie, les dirigeants de l’appareil des
divers organes de l’ÉTAT, sans compter une seconde liste de 894 fonctions
pour lesquelles les nominations se font, théoriquement, par élection (Comité
central des komsomols, présidium du Conseil central des syndicats, etc.). Le
Secrétariat désignera souverainement les titulaires de ces 1 500 postes
centraux de l’État-parti. Le 19 mars 1926, Staline remplace le bureau
du Secrétariat par la Section secrète, dirigée par Tovstoukha et qui siège dans
l’immeuble du Comité central, où il occupe un bureau au quatrième étage,
réplique exacte de celui du Kremlin. Staline nomme souverainement les membres
de cette Section secrète qui comptera, au milieu des années 1930, autour
de 90 membres assurant, dans l’ombre, une liaison directe avec le Guépéou
et les leviers essentiels du pouvoir. Cette section constitue une direction
parallèle à demi clandestine dans laquelle entrera, deux ans plus tard, l’homme
qui en assurera la direction effective puis nominale pendant un quart de
siècle : Alexandre Poskrebychev, fils de savetier comme Staline, et muet
du sérail.
Le 28 février 1926, Nadejda Alliluieva accouche d’une
petite fille, Svetlana. Elle annonce la nouvelle à sa belle-mère en excusant
Staline de ne pas avoir le temps de lui écrire : « Joseph est en
bonne santé, mais un peu fatigué, il a beaucoup de travail ; cet été il
partira prendre un congé, alors il se reposera, pour le moment il n’a pas le
temps [530] . »
Staline se plaint alors de douleurs dans les muscles des bras et des jambes.
Les médecins lui recommandent une cure aux eaux chaudes sulfureuses de
Matsesta. Quelques jours après, sur un coup de tête, Nadejda quitte un moment
son mari, rarement présent, peu expansif et bougon, part avec ses deux enfants
chez ses parents, à Leningrad. Elle ne reviendra à Moscou que deux mois plus
tard. C’est, dans le couple, la première fêlure apparente, qui va peu à peu s’élargir.
Sa fille l’explique par le désenchantement d’une jeune femme qui avait vu en
Staline « un vrai héros de la révolution », mais avait fini par
comprendre qu’elle s’était trompée : « Ses convictions personnelles
étaient juste à l’opposé du cynisme de mon père et de sa sauvagerie [531] . »
Svetlana, qui était âgée de quelques mois lors de ce premier incident, répète
simplement ce que lui ont raconté ses tantes, bien informées. Nadejda ne
supporte pas non plus que son mari s’amuse de temps à autre à faire boire du
vin au petit Vassili. Revenue à Moscou, elle décide alors de s’émanciper d’une
morne vie familiale et de reprendre ses études interrompues.
En mars 1926, soucieux d’éviter l’entente entre ses
deux anciens alliés et un Trotsky depuis un an en retrait du combat politique,
Staline tente, avec Boukharine, une démarche auprès de ce dernier, resté muet
pendant le XIV e congrès, et lui propose de normaliser leurs
relations. Mais les divergences sont trop grandes. Pour discréditer Zinoviev et
Kamenev, Staline, au Comité central d’avril, fait proposer par un groupe de dix
de ses fidèles (parmi lesquels Kaganovitch et Kirov) l’envoi à tous les membres
du Comité central et de la commission de Contrôle de la lettre, jamais publiée,
de Lénine traitant, le 19 octobre 1917, les deux hommes de briseurs
de grève pour avoir dénoncé l’insurrection. Zinoviev et Kamenev rétorquent qu’on
ne peut découper la pensée de Lénine en tranches, et que, si l’on envoie cette
lettre, il faut également diffuser ses écrits sur la question nationale et le
Testament. Staline et Rykov prétendent que la volonté de Lénine a été
respectée, puisque le Testament a été discuté dans les délégations (ce qui est
faux), mais Staline se hâte d’ajouter : si Kroupskaia propose de publier
le Testament, « je ne puis que soutenir son exigence [532] ».
Finalement, les textes de Lénine sont
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