Staline
des
impôts, des remboursements de crédits divers, qui témoigne d’un relâchement
généralisé. Sans en analyser les raisons, Staline exige une amélioration
radicale du stockage des grains, « dans un délai d’une semaine à dater de
la réception de cette directive ; tous les prétextes et toutes les
références aux congés seront considérés par le Comité central comme une
violation grossière de la discipline du Parti », et s’attireront de
lourdes sanctions. Staline multiplie menaces et pressions sur l’appareil du
Parti, invité à les répercuter, en les amplifiant, sur la paysannerie. La
résolution édicté des mesures répressives visant tout particulièrement les
koulaks et les spéculateurs, et affirme la responsabilité personnelle des
dirigeants de tous les organismes concernés. Staline menace de limoger ceux qui
n’obtiendraient pas, dans la semaine qui suit, une amélioration sensible du stockage
des grains [566] .
La brièveté invraisemblable des délais en dit long sur l’affolement qui règne
alors à Moscou.
Mais le Parti, à peine sorti d’une bataille rangée contre le
« trotskysme », accusé de vouloir spolier les paysans, n’est guère
prêt à mettre ces mesures en œuvre. Un rapport du Guépéou souligne le désarroi
des militants du rang, voire leur hostilité à la rigueur des mesures décidées.
Certains jeunes communistes s’indignent que les paysans soient contraints, pour
payer impôts et taxes, de vendre leur dernière vache ou leur cheval pour une
bouchée de pain. Certains grognent : « Cela sent les années vingt »
(c’est-à-dire le « communisme de guerre » et les réquisitions
forcées) et annoncent que « les paysans devront manifestement à nouveau
forger des piques comme en 1919-1920 et se défendre ». L’odeur de la
guerre civile se répand déjà dans les campagnes.
Aussi, malgré ce télégramme, le rythme des livraisons de blé
ne s’accélère guère. Le 14 janvier, Staline, dans un nouveau télégramme,
en impute la responsabilité aux dirigeants locaux du Parti. Il exige à nouveau
des mesures rigoureuses et recommande l’arrestation des paysans rétifs : « La
collecte du blé représente une forteresse que nous devons prendre d’assaut à n’importe
quel prix. » Prendre d’assaut une forteresse exige une armée. Or il impute
les deux tiers des échecs aux directions régionales et locales, et annonce « une
pression féroce sur nos organisations du Parti » du sud de la Russie et « une
pression désespérée » en Sibérie et dans l’Oural, « car c’est notre
dernière réserve ». Il insiste encore sur l’urgence « d’une pression
totale sur tous les leviers du pouvoir et du Parti [567] ». Pour
exercer cette pression « féroce, désespérée, totale », il faut
secouer, de la base au sommet, un appareil qui espérait souffler au lendemain
de la bataille contre le trotskysme. Staline somme les cadres du Parti de faire
rentrer le blé au nom de l’article 107 du Code pénal qui prévoit un an de
prison et la confiscation des biens pour « hausse préméditée du prix des
marchandises par le moyen de l’accaparement » ou « dissimulation des
marchandises pour ne pas les écouler sur le marché ».
À langage militaire, dispositif de guerre. Staline envoie
Molotov dans l’Oural. Craignant que la grogne paysanne ne conjugue ses effets
avec les ressentiments nationaux, il prépare le nettoyage de la Biélorussie, la
chasse aux « nationalistes ukrainiens », et fait arrêter tout le
gouvernement de la République autonome de Crimée, dont son président, Vela
Ibraïmov. La Cour suprême refuse de les juger. Le collège du Guépéou les
condamne tous à mort… par contumace.
Le lendemain, 15 janvier, Staline prend le train pour
la Sibérie, à la place d’Ordjonikidzé, désigné pour cette mission urgente mais
frappé, le 12 janvier, d’une maladie, peut-être diplomatique. Le secret le
plus strict entoure cette expédition de trois semaines. La presse n’en souffle
mot. Il faudra attendre la sortie du tome XI des Œuvres complètes
de Staline, en 1949, pour en avoir un premier écho public, très partiel et
contrôlé, et 1991 pour obtenir des documents complets sur cette expédition. Le
surlendemain de son départ, le Guépéou expulse manu militari Trotsky de
Moscou à Alma-Ata, au fin fond du Kazakhstan : les préparatifs de la
guerre contre les paysans ne font pas oublier à
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