Staline
le salaire indirect : la
sécurité sociale, les maisons de repos, le bleu de travail fourni par l’entreprise,
etc., ce qui lui permet de démontrer que l’ouvrier touche non pas 70 roubles
par mois, mais près du double [556] .
Mais avant de procéder à la diminution des salaires, il doit d’abord liquider l’Opposition
unifiée, puis limoger le secrétaire du Conseil central des syndicats, Tomski,
et son équipe, plus que réticents à l’idée de restreindre le niveau de vie des
ouvriers.
Le 3 septembre, treize dirigeants du Parti envoient au
Bureau politique un « projet de plate-forme des bolcheviks-léninistes
(opposition) » et en demandent l’impression et la diffusion dans le cadre
de la préparation du XV e congrès prévu pour la mi-décembre. En
l’absence de Staline, alors en congé à Sotchi – mais avec son total accord –,
le Bureau politique refuse. L’Opposition fait elle-même imprimer son texte. Le
Guépéou arrête dans l’imprimerie coupable un certain Chtcherbakov en qui le
Guépéou, dont il est un agent, dénonce bruyamment un ancien officier de l’armée
de Wrangel. Le bruit selon lequel les « trotskystes » travaillent
avec un ancien officier blanc se répand dans tout le Parti. Trois dirigeants de
l’Opposition, revendiquant la responsabilité de l’impression, sont
immédiatement exclus du Parti. Staline raconte l’histoire à Ordjonikidzé dans
une lettre du 23 septembre, en omettant de signaler l’appartenance de
Chtcherbakov au Guépéou. Il ment ainsi par omission à l’un de ses camarades les
plus proches, qu’il préfère ne pas mettre dans le secret par crainte que la
vérité ne le gêne. De la provocation policière, héritée de l’Okhrana tsariste,
Staline se fera une spécialité.
Le 16 septembre 1927, Staline reçoit dans son
bureau, pendant deux heures et demie, Henri Barbusse, écrivain membre du Parti
communiste français. L’auteur du Feu lui demande des arguments pour
répondre à l’étranger aux campagnes antisoviétiques contre la terreur. Staline
s’indigne : on fusille en URSS ? oui, mais qui ? des espions !
Et il raconte à Barbusse l’ahurissant et récent complot monté par « un
petit groupe d’officiers nobles qui devait empoisonner tout le Congrès des
soviets, auquel ont pris part de 3 000 à 5 000 individus. Ils
devaient empoisonner au gaz tout le congrès. Comment combattre de telles gens ?
On ne peut pas leur faire peur par la prison ». Fort heureusement, on les
a arrêtés. Barbusse gobant sans sourciller cette fable à dormir debout, Staline
joue les humanistes : « Du point de vue des conditions internes au
pays, nous n’avons aucune raison de maintenir la peine de mort. Le pouvoir est
assez solide chez nous et la peine de mort n’est pas nécessaire. » Mais il
faut la maintenir contre les terroristes que les capitalistes impitoyables
envoient par vagues – imaginaires – en URSS. Et d’affirmer que « les
ouvriers râlent qu’on fusille peu chez nous ». Après l’assassinat de
Voïkov à Varsovie, on a fusillé vingt gardes blancs et les ouvriers ont dit,
rapporte-t-il : « Nous sommes trop gentils avec les gardes blancs [557] . » D’ailleurs,
le prolétariat mondial est d’accord avec Staline, puisque l’exécution de ces
vingt réactionnaires a laissé de marbre les prolétaires qui avaient manifesté
en masse pour Sacco et Vanzetti aux États-Unis. Barbusse est ravi…
Les opposants sont décimés par les sanctions. Le 27 septembre,
Trotsky et le Yougoslave Vouyovitch sont ainsi exclus du Comité exécutif du
Comintern. Du 21 au 23 octobre, le Comité central se réunit avec la
commission de Contrôle. L’atmosphère est houleuse ; pendant son
intervention, Trotsky est traité de « menteur », de « bavard »,
de « vendu », on lui jette au visage un livre, un encrier, un verre,
projectiles qui manquent d’ailleurs à chaque fois leur cible. Staline, immobile
et silencieux pendant ce jeu de massacre, conclut les débats par un discours
menaçant. Marquant la distance entre lui et l’appareil au-dessus duquel le
hisse le combat contre l’Opposition, il parle de lui-même à la troisième
personne : « Vous avez entendu la façon dont les opposants s’acharnent
à invectiver Staline […]. Les principales attaques sont dirigées contre
Staline, parce que Staline connaît mieux que certains de nos camarades toutes
les filouteries de l’Opposition, et
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