Staline
partis, le prolongement de l’épuration engagée
dans le parti soviétique depuis 1932, sous sa direction.
Le congrès s’ouvre par un hommage à Staline déclamé par
Palmiro Togliatti, qui adresse un « salut ardent au chef bien-aimé du
prolétariat international et de tous les opprimés » et annonce l’adoption
d’une politique de Front populaire antifasciste (alliance des partis communiste,
socialiste et républicain, équivalent du parti radical en France). Conséquence
immédiate : les gauchistes Knorine, Piatnitski et Bela Kun, qui avaient
montré une ardeur particulière dans la chasse aux sociaux-fascistes que
conseillait Staline, sont écartés des organes dirigeants. Tito croit apercevoir
Staline à deux reprises, à demi dissimulé derrière une colonne. Il se trompe.
Staline est déjà parti en vacances…
Cet été 1935 est celui des ennuis familiaux. En 1934,
Jacob a quitté sa première femme, à qui il a laissé un fils, et s’en est
retourné à Moscou. Au cours de l’été 1935, il revient un jour en voiture
en compagnie d’une ancienne chanteuse de cabaret à Odessa tout juste divorcée
de son premier mariage, Ioulia Meltser, son aînée d’un an. Si l’on en croit
Vladimir Alliluiev, qui rapporte des potins de famille, c’est elle en réalité
qui l’a poussé au mariage ; elle s’est présentée un soir à sa porte, une
valise à la main, et s’est installée chez lui. Staline désapprouve l’union :
une ancienne chanteuse de cabaret, juive par-dessus le marché, c’est trop pour
lui. Le mariage est néanmoins enregistré et célébré le 11 décembre 1935.
Quelques mois plus tard, une ancienne maîtresse de Jacob, Olga Mikhailina, met
au monde un petit garçon, qu’elle déclare sous le nom du père, Djougachvili, et
que Staline ne verra jamais. Jacob verse chaque mois à la maîtresse abandonnée
une pension alimentaire pour le petit Evgueni, qui deviendra le plus fidèle
défenseur de la mémoire politique de son grand-père invisible : aux
élections législatives de décembre 1999, devenu colonel de réserve, il
sera un pilier de la liste « Un bloc stalinien pour l’URSS ».
Fin juillet, comme à l’accoutumée, Staline est donc parti se
reposer à Sotchi. À la fin d’août, il renvoie ses deux enfants à Moscou pour la
rentrée scolaire du 1 er septembre, et confie au chef de sa
garde personnelle, le général Vlassik, personnage obtus porté sur la boisson,
le soin de contrôler leur travail. Un rapport de l’adjoint de Vlassik à son
chef, en date du 22 septembre, fait un portrait contrasté des deux
élèves : Svetlana travaille bien, Vassili mal. Il refuse un jour de faire
de la chimie, puis de la géographie, s’amuse à écrire sur son cahier avec des
encres diverses (noire, bleue, rouge), ce qui est interdit à l’école, oublie de
prendre son cahier ou son stylo et refuse d’écrire avec celui d’un autre. Un
jour, n’ayant pas fait ses devoirs, il refuse d’aller à l’école en prétextant
un mal de gorge, mais n’accepte pas de montrer sa gorge à un médecin. Après les
cours, à 15 heures, il joue chaque jour au football, jusqu’à 18 ou 19 heures,
rentre à la maison fatigué et rechigne à faire ses devoirs. Capricieux, il est
aussi anxieux et instable. Un jour, il écrit sur son cahier : « Vassili
Staline, né en mars 1921, mort en 1935 [790] . »
Le 17 octobre, Staline vient voir quelques heures sa
mère à Tiflis – pour la troisième fois depuis 1917. La Pravda du 20
chante l’événement : « La mère de Staline, Kéké […] nous raconte les
minutes inoubliables : "Vous me demandez quelle joie j’ai ressentie ?
Mais le monde entier se réjouit en regardant mon fils et notre pays. Moi, sa
mère, que devrais-je donc ressentir ? […] C’est un fils exemplaire […] Je
souhaite à tout le monde d’avoir un fils pareil." » Le récit oral de
la rencontre qui circule dans le pays est moins idyllique. Staline aurait
demandé à sa mère :
« Pourquoi est-ce que tu me battais si fort ?
— Pour que tu deviennes bon comme tu l’es devenu. Et qu’est-ce
que tu vas faire maintenant ?
— Tu te rappelles le tsar ? Eh bien je suis une
sorte de tsar.
— Tu aurais mieux fait de devenir prêtre. »
Cette simple paysanne, née serve, qui ne se rendit à Moscou
qu’une seule fois en vingt ans, garda jusqu’à sa mort la nostalgie de ce rêve
inassouvi. Staline lui-même répéta autour de lui
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