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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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grossier, empoisonné par sa
femme. L’assassinat réussi d’un despote, même domestique, lui a été
intolérable, même si l’allusion est involontaire. L’est-elle d’ailleurs ?
Staline ne peut y voir qu’un encouragement à se débarrasser des tyrans.
    La campagne de « reprise des cartes du Parti » se
traduit, ce mois-là, par une vague massive d’exclusions et d’arrestations que
Staline tente de camoufler. Un incident imprévu lui en fournit un moyen, qu’il
perfectionnera au fil des ans. À la fin du mois, une délégation des
travailleurs d’avant-garde de la République bouriate-mongole arrive à Moscou
conduite par le deuxième secrétaire du comité régional, Ardan Markyzov, dont la
femme, étudiante en médecine, et la petite fille, Engelsina, âgée de 8 ans,
vivent dans la capitale. L’enfant insiste pour accompagner son père au Kremlin
afin d’offrir des fleurs à Staline et à Vorochilov. À un moment, lassée par les
discours, la fillette s’avance vers la tribune, son bouquet à la main, s’approche
de Staline qui se tourne vers elle, la prend dans ses bras et l’installe sur la
tribune. La fillette tend son bouquet à Staline en disant : « C’est
de la part des enfants de Bouriatie-Mongolie [798] . »
Les appareils photos crépitent. Un tonnerre d’applaudissements éclate. Le
lendemain, la photographie d’un Staline souriant, tenant dans ses bras la
fillette avec son bouquet, symbole de l’enfance heureuse et de l’humanisme
paternel du meilleur ami des enfants, fait le tour du monde. Le sculpteur
Lavrov en façonne une énorme sculpture qui décore la station de métro
Semenovskaia (alors appelée Stalinskaia). Trotsky voit dans cet étalage
attendrissant l’annonce de sinistres lendemains.
    Engelsina vérifiera la justesse de cette intuition à ses
dépens. Sa photo continuera, certes, à orner les magazines et les revues des
partis communistes du monde entier. C’est d’ailleurs celle que la rédaction de
la Vie Ouvrière, le journal de la CGT, choisira de publier en première
page de son numéro du 11 mars 1953 pour annoncer : « Staline
bienfaiteur de l’humanité est mort ». Mais le père d’Engelsina, accusé d’être
un espion japonais, sera arrêté en décembre 1937. Elle écrira alors, avec
l’aide de sa mère, une lettre à Staline, qui répondra en faisant ou en laissant
arrêter la mère. Mais Staline prépare alors, en sous-main, une opération plus
complexe.
    À la fin de février, il envoie à Paris Boukharine flanqué de
deux fidèles staliniens, le pédant et morne Adoratski, directeur de l’institut
Marx-Engels-Lénine, et le littérateur Arossev, vieil ami de Molotov, pour
négocier avec les sociaux-démocrates allemands et les mencheviks Dan et
Nicolaievski l’achat des archives de Marx et d’Engels, que les premiers ont
rapportées d’Allemagne en 1933. L’opération échouera pour une différence
dérisoire entre le prix demandé par les Allemands et celui proposé par Staline.
Pour l’occasion, ce dernier a fait couper à Boukharine un costume sur mesure
par un tailleur de métier, et lorsque, fin mars, sa jeune femme, Anna Larina,
enceinte de huit mois, demande à le rejoindre à Paris, Staline déroge aux
règles policières n’autorisant que très exceptionnellement un couple (surtout
celui d’un ancien dirigeant disgracié) à quitter ensemble le paradis soviétique
et lui fait attribuer un visa.
    À Paris l’ambassade soviétique refuse étrangement de loger
les trois envoyés, qui, échappant ainsi à sa surveillance, s’installent à l’hôtel
Lutétia, où se déroulent les rencontres. Boukharine, inconscient du piège qui
lui est tendu, rencontre le social-démocrate autrichien Otto Bauer, le
Secrétaire général de la II e  Internationale, Friedrich Adler,
le théoricien social-démocrate allemand Rudolf Hilferding, Boris Nicolaievski,
dont le frère, vivant à Moscou, est marié à la sœur de Rykov, le dirigeant
menchevik Fiodor Dan, membre du Comité exécutif de l’Internationale socialiste.
Staline est d’ordinaire absent lorsque Boukharine l’appelle au Kremlin pour
recevoir ses instructions, que lui transmet Poskrebychev. Boukharine prononce à
la Sorbonne une conférence dont Malraux a revu le texte français. En trois
mois, il a rencontré une pléiade d’« ennemis de l’URSS » que recense
le NKVD. Sa femme affirmera : « Il ne voyait son salut que dans
Staline [799]  »,
qui joue

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