Staline
les lâches, les
défaitistes du personnel de commandement, qui abandonnent de leur propre
initiative les positions sans ordre du commandement supérieur », en
traduisant les coupables, membres du commandement jusqu’au commandant de
bataillon inclus, devant les tribunaux qui n’ont pas fini de condamner [1136] .
Sur le front Sud-Ouest se prépare une autre tragédie. L’Armée
rouge est acculée sur le Dniepr. Le général Kirponos n’ose pas proposer à
Staline le repli sur la rive gauche du fleuve. Le général Ieremenko, un jeune
favori de Staline qui commande le front de Briansk, récemment formé plus au
nord, singe son maître en lui promettant d’écraser sans délai « cette
ordure de Guderian », dont les chars terrorisent les fantassins
soviétiques. Ce mâle langage confirme Staline dans son refus de faire reculer
les troupes menacées d’encerclement. Le 29 juillet, Joukov, persuadé que
la Wehrmacht va concentrer ses efforts sur Moscou, propose à Staline de
renforcer le front du Centre, de laisser Kirponos regrouper ses forces sur la
rive gauche du Dniepr, et donc d’abandonner Kiev. Mais Staline se refuse à voir
le danger qui pèse sur ses troupes, et l’idée d’abandonner Kiev, l’une des
trois capitales de l’URSS, le berceau de la vieille Russie, lui paraît
inacceptable. Elle aurait des effets démoralisateurs en URSS et fâcheux sur les
Alliés anglo-américains.
Staline limoge aussitôt Joukov et le remplace à la tête de l’état-major
par Chapochnikov, le seul ancien officier tsariste, devenu général de l’Armée
rouge, à avoir échappé aux purges de son état-major, malgré ses disgrâces
répétées. En 1937, le NKVD avait arraché aux généraux condamnés à mort « l’aveu »
que Chapochnikov était des leurs, mais il ne fut pas inquiété. Sa position est
pourtant fragile face à un Staline poussé, dans son désarroi face aux revers
initiaux, à prendre des mesures répétées de réorganisation, de mutation des
commandants de front, qui accroissent le désordre.
Le 3 août, la Wehrmacht encercle à Ouman les VI e et XII e armées soviétiques. Staline l’apprend… par la presse
allemande. Fou de rage, le 8 août, il accuse au téléphone Kirponos,
commandant du front Sud-Ouest, « d’avoir décidé d’un cœur léger de livrer
Kiev à l’ennemi en arguant d’une insuffisance de troupes capables de défendre
Kiev ». Kirponos s’échine à démentir ces allégations. D’ailleurs, dit-il,
tout va bien : l’ennemi a perdu trois fois plus d’hommes que l’Armée rouge !
Staline exige qu’il « prenne toutes les mesures possibles et impossibles [ sic ! ]
pour la défense de Kiev ». Il lui promet des renforts dans deux semaines
et ajoute : « Pendant ces deux semaines, il vous faudra défendre Kiev
à tout prix [1137] . »
Au début du mois d’août, Staline, aux abois, supplie
Roosevelt. Il l’informe qu’« il accueillerait dans n’importe quel secteur
du front russe des troupes américaines, qui resteraient sous le commandement
exclusif de l’armée américaine [1138] ».
Roosevelt fait le mort. Staline se rabat sur l’organisation radiodiffusée de
grands meetings antifascistes par grandes catégories nationales ou
sociales : au commencement d’août, les peuples slaves, à la fin du mois,
les juifs soviétiques, puis les femmes, les jeunes, les savants, les Ukrainiens,
etc. Ces meetings débouchent sur la formation de comités antifascistes, dont l’action
sera essentiellement verbale. Staline se plaint à Churchill le 3 septembre :
« La situation des troupes soviétiques a considérablement empiré au cours
des trois dernières semaines dans des régions stratégiquement aussi importantes
que l’Ukraine et Leningrad. » Une menace point sous la plainte : sans
second front ni aide matérielle importante, « l’Union soviétique sera ou
bien défaite ou bien affaiblie au point de perdre pour longtemps la capacité d’apporter
à ses alliés quelque assistance que ce soit dans leur lutte contre l’hitlérisme [1139] ».
Churchill ne s’en émeut guère et n’y peut rien.
Fin août, la débandade des troupes du front Nord-Est,
commandées par Vorochilov, le plonge dans la fureur. Il cherche à nouveau des
coupables et exige une fiche détaillée sur les chefs de chaque division, démet
le commandant du front, rétrograde ceux des XXXIV e et XLIII e armées,
livre au tribunal quatre commandants et
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