Staline
commissaires, puis envoie à Leningrad
une commission d’enquête sur les activités de Vorochilov dirigée par Molotov et
Malenkov. Le 25 août, la Wehrmacht arrive à 50 kilomètres de
Leningrad. Staline télégraphie à Molotov et Malenkov : « Si on
continue comme cela, je crains que Leningrad ne soit livré de façon idiotement
stupide, et toutes les divisions de Leningrad risquent d’être capturées [1140] . »
Vorochilov, hanté par les souvenirs de la guerre civile, crée, pour défendre la
ville, des bataillons ouvriers armés de fusils, piques et poignards, mais,
écrira Staline plus tard, « néglige l’organisation de la défense de
Leningrad par l’artillerie [1141] ».
Il se trompe de guerre et d’époque et, pour esquiver toute responsabilité dans
la suite des événements, omet de s’inclure dans le Conseil militaire de défense
de Leningrad, où Staline le fait ensuite désigner par le GQG…
Saisi par l’angoisse, Staline revient à la charge le 13 septembre,
au moment où les troupes qui défendent Kiev sont menacées d’encerclement.
Kirponos lui demande l’autorisation de décrocher pour éviter ce fait
inéluctable. Staline refuse et, ce même jour, présente à Churchill, qui n’a pas
les moyens d’y répondre, la vaine requête adressée à Roosevelt six semaines
plus tôt : « L’Angleterre pourrait débarquer sans risque 25 à 30 divisions
à Arkhangelsk ou les diriger par l’Iran vers les régions méridionales de l’URSS,
afin d’établir une coopération militaire avec les troupes soviétiques sur le
territoire de l’Union soviétique [1142] . »
Cherchant toujours à enrayer la débâcle par la terreur, il
édicte le 16 août son fameux ordre 270, dans lequel il dénonce comme
pleutres et déserteurs les généraux Ponedeline et Kirillov, capturés en juillet
par les Allemands, puis affirme : « Il faut anéantir les pleutres et
les déserteurs. J’ordonne : 1 o de considérer comme d’infâmes
déserteurs dont les familles doivent être arrêtées […] ceux qui ont pendant les
combats dissimulé leurs insignes de grade et se sont rendus. Fusiller sur place
ces déserteurs ; 2 o d’anéantir par tous les moyens ceux
qui préfèrent se rendre et de priver d’allocations et d’aides de l’État les
familles de ceux qui se sont rendus [1143] . »
Internés en camp de concentration et libérés en 1945 par l’Armée rouge,
Ponedeline et Kirillov n’échapperont pas à la colère de Staline : le
tribunal militaire les condamnera à mort le 25 août 1946. Ponedeline
avait pourtant craché au visage de Vlassov, venu le recruter dans son armée
auxiliaire de la Wehrmacht. Ce crachat ne le sauvera pas de la rancune de Staline.
Il invente une nouvelle catégorie de traîtres : les 1 200 000 Allemands
soviétiques. En 1915, le gouvernement tsariste suspectait déjà ces Allemands,
installés dans l’empire depuis Catherine II, d’être des « agents
germaniques ». Staline charge Beria de les déporter en Asie centrale comme
traîtres potentiels, par décret du 28 août. L’avance allemande n’est qu’un
prétexte : Beria envoie au Kazakhstan les quelque 50 000 Allemands
soviétiques installés en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Arménie ! Pour
remonter le moral des troupes, Staline recourt aux vieux moyens : le 22 août,
il fait attribuer dix décilitres de vodka à 40° par jour aux soldats et aux
officiers des unités combattantes.
La vodka ne fait pas de miracle. Le 7 septembre, les
chars de Guderian arrivent à Konotop, situé sur le Dniepr à 150 kilomètres
au nord-est de Kiev. S’ils franchissent le fleuve, les troupes soviétiques
seront menacées d’encerclement. Chapochnikov et Vassilevski tentent de
convaincre Staline d’ordonner aux troupes de Kirponos de se replier pour
échapper au désastre. Staline refuse. Vassilevski se souvient : « Le
seul rappel de la cruelle nécessité d’abandonner Kiev faisait sortir Staline de
ses gonds et lui faisait perdre le contrôle de lui-même [1144] . » Il
insulte ses interlocuteurs. Ce même 8 septembre, la Wehrmacht s’empare de
Schlisselbourg, réalisant par voie de terre le blocus de Leningrad. Vorochilov
se garde d’en informer Staline, qui l’apprend le lendemain matin et lui demande
confirmation. Vorochilov confirme et apprend son limogeage immédiat. Staline
juge « désespérée » la situation de la capitale du Nord et pense un
moment que sa perte
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