Staline
suspendre.
Joukov propose d’exploiter ce succès en encerclant pour les
anéantir des unités de la Wehrmacht. Staline s’y oppose : « Notre
tâche est de chasser au plus vite les Allemands de notre territoire ; nous
les encerclerons quand ils seront plus faibles. » Et il lance, du nord au
sud, l’Armée rouge dans des offensives frontales, très coûteuses en hommes. Il
ne donnera son accord aux manœuvres d’encerclement qu’au début de 1944.
Du 1 er au 3 août, il effectue sa deuxième et
dernière visite aux alentours du front. Un train de quelques wagons, dont l’un
est ouvert, plein de bois de chauffage pour donner à ce convoi l’allure d’un
innocent transport de marchandises, conduit Staline et Beria à Gjatsk, à 180 kilomètres
à l’ouest de Moscou. Staline y rencontre le maréchal Sokolovski, commandant du
front Ouest. Le lendemain, il se rend en voiture à Khorochevo, 60 kilomètres
plus au nord, près de Rjev, et rencontre le général Ieremenko, puis il revient
à Moscou. Volkogonov attribue cette courte visite, assez loin de la ligne de
front elle-même, à son souci de poser pour l’histoire. Mais sa biographie
officielle, publiée en 1948, n’en dit mot. Elle lui sert en fait à esquiver la
rencontre proposée par Roosevelt et Churchill à Scapa Flow, base aéronavale
britannique, et à impressionner ses interlocuteurs en prenant l’attitude d’un
chef de guerre sur le terrain. Son message du 8 août au premier s’ouvre
sur ces lignes : « Ce n’est qu’aujourd’hui, à mon retour du front,
que je puis répondre à votre message du 16 juillet. » Celui qu’il
adresse le lendemain à Churchill commence de même : « Je viens de
rentrer du front. » Ce détail, gonflé au-delà de toute mesure, l’amène à
insister ensuite sur la fréquence (imaginaire) de ces visites : « Je
dois visiter plus souvent les différents secteurs de combat et suis obligé de
subordonner tout le reste aux intérêts des opérations », écrit-il à
Roosevelt. Il bluffe davantage encore avec Churchill : « Je me trouve
plus souvent qu’à l’ordinaire dans l’obligation de me rendre aux armées dans
certains secteurs de notre front. » Il insiste lourdement : « La
situation militaire […] m’empêche à mon grand regret de m’absenter et d’abandonner
mes contacts avec le front, même pour une semaine. » La conclusion s’impose
d’elle-même : « En de telles circonstances, tout long voyage m’est
actuellement impossible », écrit-il aux deux hommes, puis à
Churchill : « Cette situation m’interdit donc d’accepter maintenant
une rencontre avec vous et le Président à Scapa Flow ou en tout autre endroit
éloigné. » S’ils veulent rencontrer ce grand capitaine, ce sera à eux de
se déplacer.
Les services d’Hitler pensent-ils alors à assassiner Staline ?
Le 5 septembre, à six heures du matin, une patrouille du NKVD dans un
bourg voisin de Smolensk, avertie du vol bizarre d’un avion allemand,
intercepte un homme et une femme à motocyclette : Piotr Tavrine, bardé de
décorations, qui se présente comme major du SMERCH (abréviation de « Mort
aux espions »), et Lidia Chilova, secrétaire dans le même service. Le
couple est en possession d’une somme énorme (428 400 roubles), de
sept pistolets, deux fusils de chasse, cinq grenades, plusieurs chargeurs de
balles explosives et empoisonnées, une mine et un petit appareil pouvant percer
un blindage de 45 millimètres, dit Pantzerknacke. Après un interrogatoire
serré, le couple avoue avoir été envoyé par le service d’espionnage allemand
Zeppelin pour assassiner Staline. Mais l’histoire est rocambolesque :
Tavrine devait changer d’identité à Moscou, louer un appartement, se faire
enregistrer officiellement, entrer en relations avec des membres du personnel
technique du Kremlin, s’informer sur les itinéraires de déplacement de Staline
et de ses collaborateurs, se faire inviter aux réceptions officielles du
gouvernement, s’approcher de Staline et l’abattre ! C’est une mission
impossible. Mais le NKVD, informé à l’avance de la mission du couple d’agents
nazis, leur a fait avouer ce qu’il a voulu pour mettre en valeur auprès de
Staline l’efficacité et la rapidité de son intervention.
Sur le plan intérieur, Staline renforce son orientation
nationaliste, marquée par les thèmes patriotiques de sa propagande. Dans la
nuit du 4 au 5 septembre 1943,
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