Staline
partisans sur les arrières de la Wehrmacht, surtout en
Biélorussie. Dans cette République ravagée, il rassemble en 1943 près de 350 000 hommes,
qui sabotent les trains et multiplient les raids contre la Wehrmacht dont ils
immobilisent plusieurs divisions. Ils contrôlent ainsi plusieurs régions, où
ils installent un pouvoir réellement soviétique, reposant sur l’assemblée
générale des habitants. À l’été 1943, Staline y met bon ordre en
soumettant le commandement central des partisans installé à Moscou à l’autoritaire
Ponomarenko, ancien Premier secrétaire du Parti de Biélorussie.
La Wehrmacht recule sur l’ensemble du front du Caucase qu’elle
abandonne au printemps. En mars 1943, Staline exige l’accélération de la
traversée de la Manche, dite « opération Overlord », vaguement
promise par la Grande-Bretagne. Le 6 avril, Churchill lui écrit : « J’ai
pleinement conscience de l’énorme fardeau supporté par les armées russes [1208] », qu’il
lui est malheureusement impossible d’alléger. Le 5 mai, Roosevelt
soupire : « Vous accomplissez un travail grandiose [1209] », auquel
il ne peut toujours contribuer que par la fourniture de matériel. Les deux
hommes finissent par lui promettre, du bout des lèvres, une ouverture du second
front en Europe au cours de l’été ou de l’automne 1943, pendant que
Staline fait truffer la recherche atomique américaine d’espions dont les
rapports le laissent indifférent. Ils se contenteront d’ouvrir un fantôme de
second front en débarquant le 10 juillet en Sicile, très loin de la
frontière allemande. Churchill veut d’abord rétablir le contrôle britannique
sur la Méditerranée.
Le 13 avril 1943, Radio Berlin annonce une
découverte sensationnelle : le charnier de Katyn, où gisent les cadavres
des 4 500 officiers polonais abattus par le NKVD en 1940. Moscou nie
et attribue, contre l’évidence, le massacre à la Wehrmacht. Étrange
coïncidence, le 14 avril, Jacob Djougachvili est abattu, pour une
invraisemblable tentative de fuite, au camp de Sachsausen, par un gardien de
camp, seul témoin de son acte, arrêté peu après par la Gestapo et envoyé sur le
front russe. Dès que la nouvelle parvient à Moscou, Staline fait libérer sa
femme, Ioulia Meltzer, déchargée de toute responsabilité dans la « trahison »
de son mari. La tentative de fuite et l’assassinat de Jacob sont à ce point
inexplicables qu’un journaliste russe y a vu une mise en scène pour dissimuler
l’échange de Jacob contre des officiers allemands. Staline l’aurait reçu un
soir au Kremlin et fait abattre le lendemain ! Si ce roman-feuilleton est
invraisemblable, l’assassinat de Jacob, sa date et la libération de sa femme
aussitôt après n’en restent pas moins énigmatiques. Selon la dirigeante
communiste espagnole Dolorès Ibárruri, dite la Pasionaria, alors réfugiée à
Moscou, Staline aurait, en 1942, confié à un Espagnol, José Parra Moya, ancien
combattant de la guerre d’Espagne infiltré dans la division franquiste Azul,
envoyée sur le front russe, la mission d’organiser avec un commando l’évasion
de Jacob [1210] .
Une seule chose est sûre : à la proposition allemande d’échanger son fils
contre von Paulus, Staline répondit qu’il se refusait à troquer un maréchal –
sur lequel il avait des vues politiques – contre un simple capitaine, que,
par ailleurs, il ne pouvait supporter. Le gouvernement polonais émigré de
Londres ayant protesté contre le massacre de Katyn, Staline rompt les relations
diplomatiques avec lui.
Alors même que la Wehrmacht occupe encore une partie de la
Russie d’Europe, Staline pense aux surlendemains de la victoire. Il fait créer,
par un décret du présidium du Soviet suprême du 22 avril 1943, un
organisme répressif supplémentaire : le « bagne » (katorjnye
raboty) , camp spécial au régime particulièrement sévère, destiné aux
coupables de haute trahison (collaboration active avec l’occupant) non
condamnés à mort. Affectés à l’extraction du charbon, de l’or et de l’étain,
dans le Vorkoutlag et l’Ousvitlag (au nord-est), ils sont condamnés à dix,
quinze ou vingt ans de travaux forcés dans des conditions inhumaines (journée
de travail de douze heures, rations réduites, etc.) qui leur laissent peu de
chances de survie.
CHAPITRE XXIX
De l’internationalisme au patriarcat
Pour amadouer Churchill et Roosevelt, Staline
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