Staline
24 avril, il écrira à Churchill : « Le
gouvernement soviétique […] comprend tout ce que représentent la Belgique et la
Grèce pour la sécurité de la Grande-Bretagne [1270] . » Quatre
jours plus tard, Churchill le remerciera : « Je reconnais les égards
que vous avez eus pour moi, quand il nous a fallu intervenir avec des forces
armées considérables pour briser l’attaque de l’EAM-ELAS [organisation
militaire du Parti communiste grec] contre le siège du gouvernement à Athènes [1271] . »
Il demande trois sièges à l’ONU, un pour l’Ukraine, afin,
dit-il, d’apaiser un séparatisme ukrainien menaçant, un pour la Biélorussie et
un pour la Lituanie, pour faire avaliser la conquête des pays baltes. Il n’aura
pas la Lituanie. Finalement, il obtient trois sièges, un pour la Russie, un
pour l’Ukraine, un pour la Biélorussie, mais ce succès ne signifie rien. Il s’oppose
à ce que la France reçoive une zone d’occupation militaire en Allemagne et
participe au contrôle de l’occupation. Il cède finalement et obtient seulement
que la zone française soit prise sur les zones américaine et britannique. Il
accepte les deux amendements britanniques sur la Yougoslavie, dont lui seul a
les moyens d’imposer le respect. Ces amendements proposent un gouvernement d’union
entre les communistes et les monarchistes, et demandent que les lois votées par
l’Assemblée de libération nationale soient soumises à la ratification de l’Assemblée
constituante. L’objectif est de faire invalider par elle les arrêtés de
socialisation de l’économie. C’est l’un des germes du conflit futur entre
Moscou et Belgrade.
Il accepte enfin une déclaration sur l’Europe libérée qui
affirme la volonté des signataires de régler les problèmes politiques et
économiques urgents des peuples européens par des voies démocratiques, et d’y
établir au plus vite des gouvernements issus d’élections libres. Molotov,
inquiet, présente le texte à Staline en grommelant : « On en fait un
peu trop. » Staline lui explique, conformément à son habitude : « Ce
n’est rien, ce n’est rien, allez-y. Nous pourrons toujours l’appliquer à notre
façon. Tout dépend du rapport des forces [1272] . »
Il n’a nulle envie de respecter ce principe, pas plus que Roosevelt et
Churchill n’envisagent de le faire appliquer en Espagne, au Portugal ou dans
les colonies. Mais ce sera l’une des pommes de discorde entre les trois alliés.
La conférence s’achève sur un accord entre les trois chefs d’État,
publié dans la presse de chaque pays le 11 février, annonçant l’entrée en
guerre de l’URSS contre le Japon, « deux ou trois mois après la reddition
de l’Allemagne et la fin de la guerre en Europe ». Il y est précisé que « les
droits antérieurs de la Russie, violés par l’attaque traîtresse du Japon en
1904, seront restaurés [1273] ».
Staline se pose ici en héritier de Nicolas II contre les révolutionnaires
de 1905, parmi lesquels se trouvait le jeune Koba, alors favorables à la
défaite de la monarchie russe haïe. L’entrée en guerre contre le Japon
permettra à l’URSS de s’emparer des îles Kouriles et d’occuper le nord de la
Corée. L’accusation souvent portée contre Roosevelt d’avoir cédé à Staline en
acceptant de laisser l’Armée rouge prendre Berlin ne tient pas. L’état-major
américain, craignant que la guerre du Pacifique ne s’éternise, a insisté sur l’entrée
en guerre de l’URSS. Selon le chef d’état-major américain lui-même, Eisenhower,
les troupes américaines n’ont pas pénétré les premières à Berlin pour des
raisons purement militaires. Yalta aurait-il enfin abandonné l’Europe centrale
à Staline ? Lorsque la conférence se tient, l’Armée rouge s’y trouve déjà
et les partisans communistes yougoslaves ont libéré presque tout leur pays.
À peine la conférence est-elle achevée que des émissaires
américains et anglais, dont le résident américain en Suisse, Allen Dulles,
rencontrent à Berne le général SS Karl Wolf. Harriman n’en informe Molotov que
le 12 mars, soit un mois plus tard. Staline réagit brutalement à ces
négociations. Il y voit une tentative d’arrangement séparé des Alliés avec les
Allemands dans le dos de l’URSS. Il demande qu’un représentant de l’URSS y soit
associé, mais se heurte à un refus. Le 25 mars, Roosevelt rassure
Staline : la seule fin de ces
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