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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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vie de Staline qui, par ailleurs, apparaissait fort monotone
et fort triste [1251]  ».
Festins et boissons égaient une existence paperassière faite de rapports et de
décrets. Lors d’un dîner en compagnie des dirigeants communistes yougoslaves,
il propose à ses invités de deviner la température extérieure : chacun
devra boire autant de verres de vodka qu’il indiquera de degrés en plus ou en
moins du thermomètre. Les compétitions alcooliques le ravissent, lui et sa
cour.
    La beuverie aiguise sa manie d’humilier ses proches. Au
cours de ces ribotes, Staline brocarde volontiers ses collaborateurs avec la
brutalité d’un montreur d’ours. Au vieux Kalinine, presque aveugle et rongé par
un cancer, qui demande à Tito une cigarette yougoslave, il jette d’un ton
rogue : « N’en prenez pas, ce sont des cigarettes capitalistes ! »
Kalinine, tremblant, laisse tomber la cigarette. Staline s’esclaffe [1252] . Un soir,
désignant du doigt à Tito ses adjoints, il raille leur nullité : « Boulganine,
ce perroquet, ce gandin affublé d’un uniforme et qui se prend pour un
militaire, presque pour un stratège. En réalité, il ne sait que se traîner sur
le parquet […]. Molotov, son cerveau est pétrifié autant que son visage est
immobile. Il ne comprend rien aux choses les plus simples, il n’est capable de
trouver aucun État sur une carte et il se mêle des Affaires étrangères […].
Khrouchtchev […] il a déjà outrepassé ses petites capacités [1253] . » Il aime
humilier Molotov et lui dire en public : « Quand tu es soûl, tu es
capable de raconter n’importe quoi. » Avec les interlocuteurs étrangers,
il se donne un air « peuple ». De Gaulle note : « Staline […]
se donnait l’air d’un rustique, d’une culture rudimentaire, appliquant aux plus
vastes problèmes les jugements d’un fruste bon sens [1254] . »
    Il les applique au contrôle de l’activité intellectuelle du
pays auquel il se consacre à nouveau pleinement. Les intéressés le savent. Le 1 er  avril,
par exemple, l’actrice de cinéma Kouzmina écrit à son « cher, bon et aimé
lossif Vissarionovitch » une lettre désespérée : elle est l’actrice
principale du film de Romm sur la guerre, Matricule 217. Or, malgré
la haute opinion qu’ont de ce film tous ceux qui l’ont vu à la Maison du
cinéma, il n’est toujours pas autorisé. « Tout cela parce que vous, Iossif
Vissarionovitch, vous ne l’avez pas encore vu. Je pourrais penser que vous n’avez
pas le temps, mais depuis que ce film reste sur les rayons, vous avez vu huit
ou neuf autres films différents, tournés après le nôtre, et ni aussi bons ni
aussi nécessaires que le nôtre [1255] . »
Elle le supplie de visionner son film. Elle insiste par deux fois avec vigueur.
On ne sait s’il l’a regardé, toujours est-il que le film obtiendra un prix
Staline l’année suivante.

CHAPITRE XXX
L’ère du grand partage
    Du 4 au 11 février 1945, Churchill, Roosevelt et
Staline se rencontrent à Yalta, en Crimée, pour discuter du fonctionnement de
la future ONU, se répartir les zones d’influence en Europe, régler le sort de l’Allemagne
agonisante et organiser l’Europe centrale, dont les vieux régimes monarchistes
et fascisants pro-nazis sont en ruine. Staline installe la délégation
américaine dans le palais Livadia, vieille résidence des tsars, où se déroulent
les séances des négociations, et la nombreuse délégation anglaise au palais d’Aloupka.
    Pour souligner sa force, il n’accueille pas ses deux hôtes à
l’aérodrome, mais, pour flatter la vanité de Roosevelt, il lui propose la présidence
de la conférence. Au moment où elle s’ouvre, l’Armée rouge contrôle toute la
Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, les trois quarts de la Hongrie, une petite
partie de l’Allemagne, et elle a effectué sa jonction avec les partisans
communistes yougoslaves qui ont libéré eux-mêmes les deux tiers de leur pays.
Conforté par ces victoires, Staline se sent en position dominante ; ce
sentiment le transforme physiquement. Il parade en uniforme kaki à col haut
fermé, orné d’une unique décoration. L’Américain Stettinius est frappé par son
apparence : « Du maréchal, bien que de courte stature, irradiait,
avec sa tête puissante et ses épaules posées sur un corps trapu, une impression
de grande force [1256] . »
Staline en joue avec cynisme. Ainsi, en ricanant, il présente à

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