Staline
annuelle des prix est une forme, et de brutalité répressive. En décembre 1949,
il a décrété une baisse des prix, renouvelée les trois années suivantes, des
principales denrées : 10 % sur le pain, le beurre, le saucisson et la
viande, 20 % et plus sur la vodka et sur les objets rares (les montres) et
rarissimes (les postes de télévision). La mesure, économiquement impraticable,
exige la baisse du prix d’achat aux paysans, de moins en moins incités à vendre
leur production personnelle, avec pour conséquence des ruptures de plus en plus
fréquentes de l’approvisionnement. La baisse du prix d’une denrée accroît ainsi
la difficulté de se la procurer. La mesure aggrave les difficultés économiques.
Sa reconstruction s’étant effectuée à l’ancienne, en dehors de la division
internationale du travail, l’économie soviétique accuse, au début des années 1950,
un retard croissant sur celle des pays européens et sur les États-Unis, que le
pillage des démocraties populaires ne comble pas. Privilégiant toujours le
charbon, Staline se soucie peu du pétrole et de l’industrie chimique, quasiment
inexistante. La productivité du travail reste de trois à quatre fois inférieure
à celle des pays capitalistes avancés. L’agriculture ne nourrit pas
convenablement les 180 millions de Soviétiques.
Il laisse aller à vau-l’eau la préparation du cinquième plan
quinquennal, qui doit débuter en janvier 1950, et ne sera promulgué qu’en août 1951,
c’est-à-dire avec vingt mois de retard. Depuis 1947, Staline ne préside plus
les séances du Conseil des ministres. En ce début d’août 1951, il s’installe
à la place du président, empoigne le dossier contenant le projet de plan, lit
un bref rapport oral et déclare aux ministres présents : « Voici le
plan. Qui est contre ? » Rien dans l’attitude de Staline ne suggère
qu’il soit hostile à un projet qu’il n’a d’ailleurs, d’après Khrouchtchev, pas
lu. Les ministres se regardent et se taisent. Staline demande « Adopté ? »
Un oui unanime lui répond. Le texte est voté. Le tout a duré dix minutes. À la
sortie de la séance, Staline invite les membres du Bureau politique présents à
venir voir un film. Une fois entré dans la salle de cinéma, il se tourne vers
eux et s’exclame : « Nous les avons bien roulés, hein [1439] ? »
La seconde réponse au marasme économique, plus sérieuse,
mais aussi inefficace, est l’extension du Goulag, auquel Staline accorde de
plus en plus d’attention et d’intérêt dans les dernières années de son règne.
Dès janvier 1948, il a fait créer des « camps
spéciaux », installés à Kolyma, dans le Grand Nord sibérien, et au
Kazakhstan, pour y interner, à l’expiration de leur peine, « les espions,
les saboteurs, les terroristes, les trotskystes, les droitiers, les mencheviks,
les socialistes-révolutionnaires, les anarchistes, les nationalistes, les
émigrés blancs, les membres d’autres organisations antisoviétiques et groupes,
et les personnes présentant un danger à cause de leurs liens antisoviétiques et
de leur activité hostile ». Un décret du Conseil des ministres du 1 er février 1948
fixe l’objectif de 180 000 détenus politiques jugés particulièrement
dangereux. Le 2 octobre 1948, une instruction précise le « régime
sévère » de ces détenus, utilisés prioritairement « à des travaux
physiques pénibles » et soumis à « des exigences sévères concernant l’exécution
des normes de production [1440] ».
Leur journée de travail est fixée à dix heures. Le 5 mars 1950, le
ministre de l’Intérieur, Krouglov, demande à Staline de hausser l’objectif à 250 000 détenus.
Accordé. Au 1 er janvier 1953, les dix camps spéciaux
existants abriteront 210 000 détenus sur les 2 700 000 de l’ensemble
du Goulag.
Chaque camp, normal ou spécial, adresse au ministère de l’Intérieur,
section du Goulag, un rapport détaillé mensuel, trimestriel et annuel sur l’ensemble
de son activité, La section opérationnelle du Goulag rédige une synthèse de ces
rapports, qui finit sur le bureau de Staline. Ce dernier suit de près également
le travail du réseau des « charachkas », systématisé par Beria,
mini-camps scientifico-techniques qui rassemblent des savants, des chercheurs,
des ingénieurs, des techniciens pour des travaux de recherche scientifique ou
technique.
Staline exige que
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