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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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détenus, « flottent »,
et sur laquelle la locomotive et les wagons tanguent, même après l’exécution
des constructeurs fusillés pour « sabotage ».
    Selon Zoubtchaninov, déporté à Vorkouta, le charbon de
Vorkouta revenait deux fois plus cher que le charbon du Donetz. Le transport, l’entretien
et la surveillance des détenus, leurs multiples activités non productives et le
coût de l’appareil policier représentent une part considérable du prix de
revient du charbon. À Vorkouta, à peine plus d’un quart des déportés extraient
du charbon. Soljenitsyne conclut : « Non seulement l’Archipel ne fait
pas ses frais, mais le pays en est même réduit à payer fort cher le plaisir de
le posséder [1444] . »
    Effectivement, si « tout » ce que les détenus fabriquent
est « bousillé » et donc inutilisable, le Goulag, géré par un énorme
appareil policier bureaucratique pillard, coûteux et improductif, n’est pas
rentable. Le détenu, mal nourri, mal soigné, mal vêtu, mal logé, mal chauffé,
quoique bien surveillé, est peu productif. Les méthodes de travail manuel
archaïques, la contrainte et la violence omniprésentes interdisent qu’il en
soit autrement.
    Le zek (ou déporté) affamé mais coûteux est un symbole du
gâchis stalinien. Pour réduire leur coût, les camps passent, en 1949, au régime
de l’autofinancement. Cela, pourtant, ne change rien. À cet égard, il est bien
à l’image de l’économie stalinienne tout entière. Sa fonction répressive domine
et entrave l’accomplissement de sa fonction économique. Le travail forcé, loin
d’être au ceeur de l’économie stalinienne, n’est qu’une fonction dérivée et
seconde d’un régime de terreur politique et policière, d’importance variable
selon les secteurs, et dont, globalement, le rôle économique est secondaire.
    Les dernières années de Staline sont marquées par l’extension
d’un Goulag où s’entendent les premiers craquements, qui annoncent sa
dislocation prochaine. L’administration est impuissante face à la lutte entre
factions de droit commun rivales, qui étendent leur influence sur la masse des
détenus. Chacune contrôle son site de travail ; les politiques s’allient
souvent à elles contre l’administration, confrontée à une conjonction de forces
jusqu’alors adverses. Comme l’écrit Soljenitsyne, « au début des années 1950,
le système stalinien des camps, notamment dans les camps spéciaux, était mûr
pour la crise. Du vivant même du Tout-Puissant, les indigènes avaient déjà
commencé à rompre leurs chaînes [1445]  ».
    Le désordre au Goulag n’est que le reflet exacerbé de celui
qui règne dans la société tout entière sous le talon policier et derrière l’apparence
d’un ordre absolu. Staline tente de le pallier par l’extension de l’uniformité
idéologique. Après la littérature, le cinéma, la biologie et l’histoire, la
linguistique semblait promise à subir la campagne de rectification engagée
depuis 1946. La victoire de Lyssenko en août 1948 donne des ailes aux
disciples du linguiste « prolétarien » Marr, mort en 1934. Le 22 octobre 1948,
le conseil scientifique de l’Institut de la langue à Leningrad condamne, dans
une résolution communiquée à Staline, huit linguistes accusés de « refléter
servilement les théories pourries du saussurianisme et du structuralisme »
et de « lutter contre la linguistique matérialiste soviétique », et
demande « des mesures concrètes visant à écraser la linguistique
réactionnaire idéaliste [1446]  ».
    L’un des huit linguistes dénoncés, le Géorgien Tchikobava,
avait écrit à Staline pour dénoncer le saccage de la linguistique soviétique
par les marristes. En mars 1950, Staline le convoque à sa villa. Le 10 avril,
il lui ordonne d’écrire un article qu’il discute attentivement. Tchikobava,
surpris et ravi de voir qu’« on pouvait discuter avec lui », revient
deux fois à la datcha de Staline s’entretenir longuement du texte final. « Staline
ne supportait pas les obscurités, indique-t-il. Il s’intéressait aux questions
de linguistique fondamentalement en rapport avec la question nationale [1447]  », souci
politique compréhensible dans ce pays aux 140 nationalités, soumises par
Staline à une politique de russification rampante.
    L’article de Tchikobava, publié dans la Pravda du 9 mai 1950,
suscite une controverse dans les colonnes du

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