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Staline

Staline

Titel: Staline Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie,Jean-Jacques
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journal jusqu’à ce que se produise
un véritable coup de tonnerre. Le 20 juin, la Pravda publie un
article de Staline, « À propos du marxisme en linguistique », bientôt
suivi de « Quelques questions de linguistique », et enfin, le 2 août,
d’une « Réponse aux camarades » (suivent quatre noms, dont celui d’un
certain Kholopov, qui avait osé signaler à Staline qu’il écrivait en 1950 le
contraire de ce qu’il avait écrit en 1930 sur la fusion des langues).
Entre-temps, la Pravda publie des autocritiques de marristes, convaincus
que leur plan d’écrasement de leurs adversaires se retourne contre eux. L’un d’entre
eux, Tchemodanov, dans la Pravda du 23 mai, s’extasie en se
flagellant : « Le nouveau travail génial du camarade Staline est un
tournant dans l’évolution des sciences sociales […] l’exposé le plus
remarquable, le plus complet et le plus systématique du marxisme dans le domaine
de la linguistique. » Staline, pourtant, s’était contenté d’égrener
quelques truismes et deux ou trois bourdes, comme l’affirmation, qu’il
contredira lui-même cinq semaines plus tard, que les dialectes et les jargons
constituent des ramifications de la langue nationale commune. Mais ces vétilles
n’importent guère au regard de l’essentiel.
    En feignant d’ouvrir une libre discussion sur la
linguistique, il poursuit une double fin ; la première est de façade, la
seconde plus profonde. Il reproche d’abord aux linguistes de ne pas se soucier
d’élaborer une grammaire, un dictionnaire, des manuels pour la soixantaine de
langues et dialectes oraux parlés en URSS, qui en sont dépourvus, et, en même
temps, de ne pas préparer, ce faisant, les conditions pour faire du russe une
langue « zonale », dominante en attendant d’être unique, sur tout le
territoire de l’URSS. Le débat sur la linguistique est un élément de la
politique de russification impulsée par Staline depuis 1945, à un rythme sans
cesse accéléré.
    Il poursuit une autre fin plus obscure. Staline s’avance
toujours masqué. Dans son dernier texte du 4 août, il affirme, comme en
passant : la thèse d’Engels selon laquelle, « après la victoire de la
révolution socialiste, l’État doit dépérir », est fausse. Seuls peuvent y
croire « les scolastiques et les talmudistes ». Pourquoi ? « Comme
la révolution socialiste n’a triomphé que dans un seul pays et que le
capitalisme domine dans tous les autres, le pays de la révolution victorieuse
doit consolider au maximum l’État et son appareil, les services de
renseignements, l’armée, s’il ne veut pas être écrasé par l’encerclement
capitaliste. » Et il insiste : « La formule d’Engels […] est
inapplicable dans le cas où le socialisme triomphe dans un seul pays pris à
part, alors que le capitalisme domine dans tous les autres [1448] . » Tous
les autres ? La formule est brutale : les démocraties populaires et
la Chine, où la révolution vient de triompher, seraient-ils donc des pays
capitalistes ? Le fameux « camp socialiste » ne serait-il donc à
ses yeux socialiste qu’à moitié et truffé de chevaux de Troie bourgeois ?
    Staline, ce faisant, conteste sa propre théorie du « socialisme
dans un seul pays » : si l’appareil de coercition sociale, qu’il veut
renforcer au maximum, est le reflet de la violence extérieure faite à la
société soviétique par l’impérialisme avide de reconquérir un marché perdu, et
qui peut lui imposer un énorme et coûteux développement de l’appareil d’État,
la « société socialiste » autarcique subit donc le diktat et la
marque du monde capitaliste environnant. Staline n’a cure de cet aveu. La
théorie, chez lui, est toujours la servante de la pratique. La théorie du
renforcement croissant de l’État et de ses organes coercitifs doit justifier le
renforcement de la répression et annoncer une nouvelle étape de la Grande
Terreur. Le faire au détour d’une libre discussion sur la linguistique est une
de ces ruses auxquelles Staline se complaît.
    Le procès à huis clos des dirigeants de Leningrad s’ouvre le
29 septembre 1950. Le 30 janvier, Staline avalise les
propositions de condamnations que lui a soumises Abakoumov. Le procès, expédié
au pas de charge, consacre vingt minutes à chaque victime. Les accusés sont
convaincus d’avoir constitué, dès 1938 (l’année du troisième procès de Moscou,
celui du « bloc

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