Staline
des trotskystes et des droitiers »), un groupe
antisoviétique et tenté de dresser le parti de Leningrad contre le Comité
central. La lecture du verdict s’achève à une heure du matin dans la nuit du 30 septembre.
Voznessenski, Kouznetsov, Popkov et trois autres dirigeants sont condamnés à
mort et fusillés sur-le-champ. D’autres procès de Léningradois, débusqués aux
quatre coins de la Russie fin octobre et début novembre, se concluent devant le
peloton d’exécution.
L’affaire du Comité antifasciste juif semble atteindre sa
conclusion avant le dernier acte de Leningrad. Jemtchoujina figure dans l’acte
d’accusation, établi le 25 mars 1950, d’où a disparu le nom de
Kaganovitch. Mais la faiblesse du scénario irrite Staline. Il fait juger et
condamner, dans des procès à huis clos, quelques victimes de second plan, mais
suspend l’instruction de l’affaire. Cet échec coûtera à Abakoumov sa carrière.
En septembre 1950, l’affaire de Leningrad est bouclée.
Comme jadis Iejov, Abakoumov, on le sent bien, a fait son temps. Staline attend
l’occasion de le liquider. Mais il n’a pas le temps de s’en occuper
immédiatement. Il part en vacances et reprend son souffle. Pendant cinq mois,
son bureau du Kremlin restera désert. Il n’y recevra personne entre le 1 er août
et le 22 décembre 1950.
Il ne se manifeste d’ailleurs plus en public, si l’on
excepte quelques apparitions rituelles sur le Mausolée aux fêtes du 1 er mai
et du 7 novembre. Il semble se terrer. De 1946 à 1950, il n’écrit que
quelques messages de bonne année et quelques réponses laconiques à des
journalistes. Malgré la tension de la guerre froide, il ne rencontre l’ambassadeur
américain Bedell Smith que quatre fois en trois ans. Mais alors même qu’il
semble s’effacer, son culte prend des dimensions nouvelles. Toutes les
capitales d’Europe orientale, à l’exception de Varsovie, érigent d’immenses
statues à sa gloire. Ce tapage peuple le silence maladif et soupçonneux où il
se terre.
Pour pallier la paralysie du système, qu’il amplifie par son
absence, Staline procède à des réorganisations incessantes du Conseil des
ministres, de ses bureaux spécifiques à géométrie variable, et de son Bureau
général aux prérogatives obscures. La stérilité de ces efforts le conduit à
préparer une grande purge du type de celle de 1937-1938, qui avait entièrement
renouvelé l’appareil du Parti et de l’État et liquidé des témoins gênants du
passé. Dans cette perspective, il tente de rompre le monopole de la Sécurité d’État
(MGB) en développant les fonctions répressives de l’appareil du Parti lui-même
et en instaurant une sorte de sécurité d’État du Parti dont la direction est
confiée à Malenkov et à Chkiriatov. Il crée à cet effet, au début de 1950, une
prison spéciale du Comité central, placée sous l’égide de la commission de Contrôle,
que préside Chkiriatov.
Ce gardien de la morale du Parti annonce déjà les
privatisateurs mafieux de l’ère Eltsine : le 15 mai 1949
Dekanozov, vice-président du Gousimz, informe Beria que Chkiriatov a déposé 800 000 francs
suisses sur un compte secret en Suisse, sous le pseudonyme de Vladlen
Nicolaievitch Klimov. Beria transmet au Bureau politique. Staline ne bronche
pas [1449] .
Malenkov supervise la construction de la prison en question
qui peut accueillir jusqu’à 40 détenus. Une centaine de cadres du Parti y
sont affectés. Staline avait déjà, à plusieurs reprises, insisté sur sa
nécessité. Il avait même convoqué Beria, Mikoian et Boulganine pour prendre la
décision de la construire. Bien que située à l’intérieur de la fameuse prison
de la Sécurité d’État, Matrosskaia Tichina (en russe, « Le silence du
matelot »), ce bloc échappe aux ministères de la Sécurité et de l’Intérieur.
Selon Boulganine, cette prison spéciale était destinée aux « criminels du
Parti », c’est-à-dire à des cadres dirigeants dont Staline voulait régler
le sort sans passer par la Sécurité, peut-être parce qu’il prévoyait de l’utiliser
contre certains de ses dirigeants. « C’est ainsi que Staline posa la
question […]. Je pense, ajoute Boulganine, qu’il n’avait même plus confiance
dans le MGB » et voulait « s’isoler des organes du MGB [1450] », plus
exactement, s’affranchir de leur pouvoir, dont l’étendue menaçait le sien. Le
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