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Stefan Zweig

Stefan Zweig

Titel: Stefan Zweig Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Bona
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cosmopolite épris de conciliation, il a toujours, d’instinct, cherché le dialogue et l’ouverture. Depuis qu’il est enfant, est-ce parce qu’il est né dans une famille qui a beaucoup voyagé et qui compte des ramifications dans d’autres pays d’Europe, il aime le mouvement, la variété, le dépaysement. Son seul cauchemar, quand il s’endort au petit matin, serait de se réveiller en prison, dans une cellule sans fenêtres, et d’avoir à vivre dans un monde barricadé.
     
    1 Les phrases en exergue de chacune des six premières parties sont de Stefan Zweig, extraites du Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen , Belfond, 1982.
     
    2 Costume traditionnel autrichien, pour les femmes.
     
    3 Steven Beller, Vienne et les Juifs, 1867-1938 , Nathan, 1991.
     

    Le cercle de famille
     
    Son père, Moritz Zweig, né en 1845, fils de Hermann et de Nanette Zweig, est un homme corpulent, de haute taille, à l’épaisse barbe poivre et sel, et dont le regard aux prunelles sombres, bienveillant et doux, se cache derrière des lunettes cerclées de fer. Avec une dignité et un calme que rien ne saurait troubler, il impose à ses fils le plus grand respect. Toujours vêtu de noir ou d’anthracite, il porte des cols cassés, des habits de cérémonie à queue de pie et quand il sort, un haut-de-forme. C’est un homme important, à l’allure lente, l’image même du patriarche. Il a trente-cinq ans de plus que Stefan, mais parce qu’il cultive un style solennel et grave, il paraît beaucoup plus que son âge, ce qui maintient entre ses fils et lui une distance irréductible. Et ni Alfred ni Stefan ne se risqueraient à contester l’autorité du chef de famille.
     
    Ida, leur mère, née Brettauer en 1854, hausse sa petite taille avec des escarpins à talons et des chignons en pyramide qui dressent sur sa tête une montagne de boucles brunes. Elle est dodue et très féminine, avec d’adorables mains potelées et blanches. Illuminant un visage aux traits fins, ses yeux pétillent. Dentelles et rubans, soie et velours, éventail précieux qu’elle tient au doigt : la toilette, très raffinée, respecte les règles de la bonne bourgeoisie de l’époque – pudeur du décolleté et de la parure. Mais Stefan se souviendra toute sa vie du bruit de taffetas de la robe glissant sur les parquets, lui annonçant l’entrée soudaine de sa mère dans sa chambre, et le nuage de son parfum.
     
    Moritz Zweig est riche à millions. Né à Vienne où les affaires de Hermann Zweig, déjà florissantes, comme marchand en produits manufacturés, principalement en textiles, l’avaient conduit à implanter sa famille, il eut l’idée – et aussi l’audace – de passer du négoce à la fabrication et créa, vers 1875, en Bohême du Nord, à Ober-Rosenthal, près de Reichenberg (aujourd’hui Liberec), au pied des monts Krkonoše, une tisseranderie qui connut une rapide expansion. Fondée avec des capitaux modestes, reposant sur la force motrice des eaux, dans une région où les rivières sont abondantes, la petite fabrique devint vite une entreprise importante, à l’échelle industrielle. Elle a son siège à Vienne, 13 Esslinggasse. Moritz Zweig a introduit d’Angleterre les nouveaux métiers à tisser mécaniques et les machines à filer révolutionnaires qui lui ont permis d’abaisser le coût de production et de mettre sur le marché des textiles à prix compétitifs. Sous son allure compassée, le patriarche est un homme des temps nouveaux, curieux de tous les progrès, et capable de s’adapter aux changements. Cet homme d’affaires, intelligent et opportuniste, est aussi un gestionnaire rigoureux.
     
    «  Safety first  », la sécurité d’abord, aime-t-il à dire, en anglais, dans la langue des grands banquiers. Les fonds amassés grâce à son travail et son esprit d’entreprise, il les place avec prudence à la banque Rothschild où il s’est, depuis ses débuts, appliqué à épargner la plus grande part de ses bénéfices et à faire fructifier ses économies. C’est avec des placements qu’on appellera plus tard « de père de famille », obligations d’Etat principalement ou valeurs industrielles, qu’il fonde bientôt une véritable fortune. Lorsque Stefan, interrogé à l’école sur le métier de son père, écrit Fabrikant – et c’est là en effet son métier – le mot ne rend qu’un faible écho de sa situation, des plus enviables et prospères. A cinquante-cinq ans, Moritz

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