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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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vice-chancelier se doublait de celui de légat perpétuel et il était en quelque sorte le commis voyageur de la papauté grâce à ses talents de diplomate. Mais sa façon de comprendre la majesté obligatoire d’une mission pontificale avait de quoi laisser rêveurs ses contemporains. C’est ainsi que Sienne retentit si fort de ses plaisirs et « esbattements » joyeusement partagés avec un collègue du Sacré Collège, le cardinal de Rohan, que Pie II en eut vent et s’en indigna. Des bains de Petriolo, où il soignait une santé passablement chancelante, le pontife adressa au volcanique Borgia une lettre demeurée célèbre :
    « Nous avons appris qu’il y a trois jours, plusieurs dames siennoises se sont réunies dans les jardins de Giovanni Bichi et que, peu soucieux de ta dignité, tu es demeuré avec elles l’après-midi depuis une heure jusqu’à six heures et que tu avais pour compagnon un cardinal que l’âge, à défaut du respect envers le siège apostolique, aurait dû faire souvenir de ses devoirs. Il nous a été référé qu’on dansa fort peu honnêtement : aucune séduction amoureuse n’a manqué et tu t’es conduit comme l’eût fait un jeune laïque. La décence nous impose de ne pas préciser ce qu’il advint, choses dont le nom seul est inconvenant à ta dignité ; il fut interdit d’entrer aux maris, pères, frères et autres parents qui avaient accompagné ces jeunes femmes afin de vous laisser plus libres dans les divertissements que vous présidiez seuls avec quelques familiers, ordonnant les danses et y prenant part. On dit qu’il n’est bruit à Sienne que de cela et que chacun rit de ta légèreté. Nous te laissons juge toi-même s’il t’est possible de courtiser les femmes, d’envoyer des fruits, des vins fins à celles que tu préfères, d’être tout le jour spectateur de toutes sortes de divertissements puis, finalement, d’éloigner les maris pour te réserver toute liberté. À cause de toi, nous sommes blâmés et la mémoire de ton oncle Calixte est blâmée pour t’avoir confié tant de charges et d’honneurs. Souviens-toi de ta dignité et ne cherche point à te faire une réputation galante parmi les jeunesses. »
    Il fallait que le scandale eût été complet et retentissant pour que Pie II, qui jusqu’à son couronnement n’avait pas été un parangon de vertu et comptait quelques bâtards à son actif, brandît ainsi les foudres pontificales. Mais il est vrai que l’orgie siennoise avait eu lieu à l’occasion… d’un baptême !
    Ainsi étrillé, Borgia se le tint pour dit… du moins pendant quelque temps. Il promit d’équiper, à ses frais, une galère pour la croisade si chère au cœur du Saint-Père et parut consacrer toute son activité à la préparation de la grande expédition.
    Pie II d’ailleurs ne tenait plus en place. Tout malade qu’il fût, il voulut absolument se transporter à Ancône où s’assemblaient la flotte et les troupes. Borgia suivit, en « fils obéissant », et s’installa auprès de lui dans le vieux palais épiscopal près de Saint-Cyriaque d’où l’on découvrait le port et les horizons bleus de l’Adriatique.
    Et, tandis que le pape, tout à son rêve de guerre sainte et les yeux fixés sur cette armada qui prenait forme, peu à peu, par sa volonté, ne voyait plus venir la mort, Rodrigue s’occupait à charmer des loisirs un peu trop étendus dans une si petite ville, en s’occupant activement de la population féminine.
    Hélas, les jolies filles d’Ancône n’étaient pas toutes sans danger. Borgia s’en aperçut à ses dépens et, tandis qu’en août 1464, Pie II agonisait en face de la mer étincelante, le beau vice-chancelier soignait au fond de son lit ce que l’on appelait pudiquement une « galanterie ». Et son médecin de constater alors avec satisfaction qu’il « y avait longtemps qu’il n’y avait pas dormi seul ».
    Le pape mort, Ancône, la flotte et tous les beaux projets de croisade tombèrent instantanément dans l’eau du port pour n’en plus ressortir. Ce n’était plus le moment de s’occuper des Turcs ou de s’encroûter en province. Il fallait rentrer à Rome et y procéder sans plus tarder à l’élection du nouveau pape.
    Toujours souffrant, Borgia fit le trajet en litière, maudissant les femmes, la nature fragile des hommes et sa mauvaise étoile. Mais fût-il à moitié mort qu’il se serait traîné tout de même à la salle du conclave. Non

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