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Suite italienne

Suite italienne

Titel: Suite italienne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sa douceur et sa gentillesse, de son mari par sa grâce et son charme, de ses sujets par sa générosité intarissable. Nombreux même étaient ceux qui, outre le respect et l’admiration, lui vouaient un sincère et romantique amour. Enfin, depuis six mois, depuis la mort du vieux duc Hercule I er , elle était duchesse régnante. Rien, normalement n’aurait dû manquer à sa paix intérieure et à son bonheur relatif d’épouse par raison d’État. Et en toute honnêteté, une heure plus tôt, elle pensait encore que désormais tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes en ce qui la concernait. Une heure plus tôt. Juste avant qu’Angela vînt lui avouer qu’elle était enceinte, elle aussi. Angela, qui maintenant sanglotait à ses pieds sur un coussin de velours, Angela sa cousine, une Borgia comme elle, la seule fille d’honneur de sang espagnol qu’elle ait eu le droit de conserver auprès d’elle.
    Au fond, en considérant les cheveux d’or roux et la peau ambrée de cette superbe fille agenouillée devant elle, Lucrèce se disait qu’elle s’était toujours attendue, obscurément, à des ennuis de ce côté-là. À dix-huit ans, Angela ne comptait plus ses conquêtes. Avec ses larges yeux d’azur candide et son corps pulpeux, elle attirait les hommes comme le miel attire les mouches. Avec cela, tendre et violente, langoureuse et primesautière, écervelée et profondément sensuelle, Angela prenait plaisir à ces jeux dangereux et proclamait ses amours avec une inquiétante impudence, pour ne pas dire impudeur. Une créature redoutablement séduisante, tout en contrastes et qui s’entendait à déchaîner les passions.
    Lucrèce n’avait pas eu besoin de chercher bien loin pour trouver le complice d’Angela.
    — Naturellement, c’est don Jules ?
    — C’est lui, Madona ! Je l’aime autant qu’il m’aime, et puisque je suis à lui, il me semble que le mieux serait…
    — Qu’il t’épousât ? Naturellement, mais tu sais aussi bien que moi que ce n’est pas si facile… sinon tu ne pleurerais pas, n’est-il pas vrai ?
    — Oui, c’est vrai, mais je ne vois pas pourquoi. Parce que le duc Alphonse pense qu’il doit entrer dans l’Église ? Eh bien il n’y entrera pas, voilà tout. Et s’il est du sang d’Este, je suis, moi, une Borgia ; ceci vaut bien cela. D’autant plus qu’il est un bâtard !
    La duchesse ne répondit pas tout de suite. Accoudée à son fauteuil, le menton appuyé sur sa main couverte de bagues, elle réfléchissait. Il y avait des mois qu’elle était au courant de la romance née entre Angela et le plus jeune de ses beaux-frères, le beau don Jules, fils bâtard du défunt duc Hercule et d’Isabelle Arduino, une belle Napolitaine qui avait été l’une des filles d’honneur de sa femme. Mais que Jules soit bâtard ne signifiait rien. Il avait été élevé à la cour, comme les princes légitimes, avec eux et par la duchesse Éléonore, et parmi ses quatre frères, aucun n’aurait eu l’idée de lui reprocher sa bâtardise. Il était un Este, un point c’est tout…
    Le malheur était que le plus beau, il était aussi le moins intelligent. Vaniteux, fier de sa beauté jusqu’à en être insupportable, il n’avait ni la puissance intellectuelle et physique du duc Alphonse, son aîné, ni la valeur militaire de Ferrante, le cadet, ni la tête politique du cardinal Hippolyte, ni la gentillesse de Sigismond, le dernier. C’étaient, en général, des fauves que ces princes d’Este, mais Jules ressemblait davantage à un paon qu’à un tigre…
    Au bout d’un moment, Lucrèce poussa un profond soupir :
    — Je parlerai à mon seigneur, Angela mia, mais je doute qu’il accepte de changer ses plans concernant Jules. Outre qu’il ne tient aucun compte de sa naissance irrégulière, il ne souhaite pas d’autre alliance avec notre maison. Depuis la mort de mon père, depuis que César, mon frère, est captif de l’Espagne, nous avons beaucoup perdu de notre valeur et s’il n’espérait un héritier, si d’autre part… il n’était en aussi mauvais termes avec le pape Jules II, je ne suis pas certaine qu’Alphonse n’eût pas envisagé l’annulation de notre mariage.
    — Allons donc ! Il vous aime…
    — Il le dit, rectifia Lucrèce avec un sourire triste, mais je crains que ce sentiment ne suffise pas à le faire plier en ce qui concerne Jules. Néanmoins, je te promets d’essayer.
    Un peu réconfortée, Angela se

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