Sur ordre royal
Madoc aurait tiré son épée et l’aurait frappé pour cette remarque insolente, si Rhodri n’avait pas soudain écarquillé les yeux, le regard fixé derrière lui, comme s’il avait une vision céleste.
Madoc se tourna pour voir ce qui avait capturé l’attention de l’émissaire et chassé son sourire impudent de son visage.
C’était Roslynn, fraîche comme une fleur printanière dans une cotte vert clair, une cape jetée sur ses minces épaules pour se protéger de la pluie. Sa capuche ne cachait qu’en partie le flot de ses cheveux châtains, encore emmêlés comme si elle sortait tout juste du lit nuptial, ce qui était d’ailleurs le cas.
Le courroux de Madoc s’évanouit, remplacé par de la fierté et du plaisir. Que Trefor fasse ou dise ce qu’il voulait dans son dépit puéril. Lui, il avait Roslynn.
Elle lui avait aussi apporté sa cape, qu’elle posa sur ses épaules en un geste qui évoquait une caresse, avant de poser sur Rhodri un regard interrogateur.
— Bienvenue à Llanpowell, dit-elle, aussi gracieuse qu’une reine. Hélas, je crains que vous n’arriviez trop tard pour les célébrations. Le festin de noces est terminé.
Ses paroles parurent tirer Rhodri de sa stupeur, mais avant qu’il ne puisse parler, Madoc prit la parole.
— Voici Rhodri ap Meirion, le bras droit de Trefor. Il nous a apporté un cadeau de noces de mon frère.
— Oh ? Comme c’est aimable à eux deux, répondit Roslynn, la voix aussi mélodieuse que le chant d’un rossignol.
Néanmoins, il y avait dans ses mots une pointe de dédain qui fit rougir Rhodri.
— Comme je le disais, je vais m’en aller, dit-il d’un ton sec, en gallois, en tournant ses talons usés pour se diriger d’un pas martial vers les portes.
Qu’il retourne auprès de Trefor et lui parle de la très belle et merveilleuse épouse de son frère, pensa Madoc, qui se sentait enclin à crier de joie sur les remparts.
— Qu’est-ce que votre frère nous a envoyé, à votre avis ? demanda Roslynn avec méfiance, rappelant à Madoc le parchemin qu’il tenait à la main et le paquet qui gisait toujours à ses pieds.
— Je doute que ce soit quelque chose de bon, répondit-il. Probablement de la viande pourrie.
Le parchemin, lui, devait contenir le genre demessage qu’il ne voulait pas faire entendre aux gens de Llanpowell, et si le présent était aussi répugnant qu’il le craignait, il préférait que cela reste discret, également, du moins autant que possible.
— Nous devrions ouvrir le message et le cadeau de mon frère en privé, dit-il.
Il tendit le parchemin à Roslynn et se pencha pour ramasser le paquet, notant avec soulagement qu’il n’en coulait pas de sang.
Lorsqu’ils entrèrent dans la grand-salle, Lloyd était toujours endormi sur un banc, ronflant légèrement. Le paravent de bois était en place près de l’estrade, aussi Alfred devait-il encore être au lit, ce qui était une bénédiction. Madoc ne voulait pas que le Normand, et à travers lui le roi, en sache trop long sur sa querelle avec son frère.
Une fois dans leur chambre, Madoc posa le paquet sur le tabouret et ôta sa cape mouillée avant de défaire les liens en cuir qui fermaient le colis.
Une peau de mouton à la toison noire se répandit sur le sol en pierre.
Madoc comprit tout de suite : Trefor avait tué son bélier noir.
— Le rancunier, malveillant cnaf , grommela-t-il en tendant la main. Donnez-moi le parchemin. Voyons voir ce que mon méprisable frère a à dire.
Sans un mot, Roslynn mit le rouleau dans sa main tendue, puis ôta sa cape et la posa au pied du lit.
— « Pour toi, mon cher frère, et la veuve normande que tu as épousée, lut Madoc à haute voix après avoir brisé le cachet, un petit remboursement à ma façonpour la femme que tu m’as volée. Je te souhaite la joie que tu mérites avec la dame. »
Madoc lança le parchemin à travers la pièce.
— Vous voyez quel misérable butor il est ? explosa-t-il.
L’expression calme et composée, Roslynn se baissa pour ramasser la toison.
— Je vois qu’il sait comment vous toucher.
— Que voulez-vous dire ? demanda Madoc, irrité qu’elle puisse se montrer aussi impassible devant les insultes de Trefor.
— Il se joue de vous comme un barde avec une harpe, répondit-elle, gardant un visage serein tandis qu’elle lui faisait face, la toison dans les bras. Etes-vous sûr qu’il s’agit de votre bélier ?
— Il n’y a pas
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