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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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transformait les uniformes de la Wehrmacht . De temps à autre, elle trouvait des lettres dans les doublures de pantalon des soldats, maculées de sang – autant de mises en garde inaperçues transmises par les Fils d’Allemagne. Ces messages décrivaient la situation désespérée du front à l’est : Moscou et Leningrad sont inaccessibles/Seule la mort est au rendez-vous sur les plaines enneigées de Russie . Pas étonnant qu’après la défaite de Stalingrad les autorités nazies aient ordonné une semaine de deuil national.
    Maman et moi dûmes déménager et nous installer Speyrer Strasse , non loin de la Bayerischer Platz , dans un quartier autrefois habité par de nombreuses familles juives. L’endroit était résidentiel et notre loyer pour une pièce et demie si élevé que nous parvenions à peine à joindre les deux bouts. Les voisins, des Juifs comme nous, m’invitaient souvent à venir regarder leur collection de timbres, admirer leurs tableaux ou même prendre une tasse de thé. Aucun ne semblait comprendre la situation financière dans laquelle nous nous trouvions, Maman et moi. Mon père, dans sa dernière lettre parvenue d’Angleterre par le biais de la Croix-Rouge, nous conjurait d’être courageux. Il avait raison, car nous avions vraiment besoin de courage.
    Partout, nous nous heurtions aux lois cruelles d’Hitler, qui ne tendaient que vers un objectif : vaincre. Tout ce qui pouvait l’être était réquisitionné au profit des Aryens : vêtements d’hiver, appareils radio, animaux domestiques. Nous avions déjà dû laisser notre aquarium et nos perruches, maintenant les nazis s’en prenaient à la radio de Grand-Père, un appareil à galène, auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux.
    Grand-Père avait été médecin et il avait perdu la vue lors d’une explosion d’obus. Il avait été un officier de la Première Guerre mondiale, du temps de la vieille patrie du Kaiser , et lorsqu’il était de bonne humeur, il me chantait la chanson d’amour Ich hatt’ einen Kameraden . Son seul plaisir était désormais d’entendre son vieux poste radio à galène, de plus de quinze ans d’âge, avec des écouteurs. Un courrier fut adressé à l’association des anciens combattants, sollicitant une intervention pour que Grand-Père pût le garder. La réponse fut très aimable, mais hélas impuissante. Aucun recours contre les ordres du nouveau Reich n’était possible. Grand-Père mourut en 1942, à l’âge de soixante et onze ans, ne comprenant plus les voies nouvelles qu’empruntait sa patrie.
    Les vrais antisémites évitaient tout contact avec les Juifs. Bien qu’ils nous fissent tant de mal, nous ne les côtoyions pas directement. Pour ma part, ceux qui m’impressionnaient vraiment étaient ces Allemands, nombreux, toujours prêts à nous aider, non parce qu’ils éprouvaient une sympathie particulière pour les Juifs, mais parce qu’ils étaient restés fidèles à leurs vieux idéaux. Il leur fallait vraiment beaucoup de courage pour s’accrocher à des valeurs cruellement réprimées depuis dix ans.
    Maman et moi n’avions aucune relation bien placée à faire jouer et nous nous tournions vers tous ceux dont l’aide eût pu nous apporter ne serait-ce qu’un infime secours. Un jour, alors que nous cherchions à nous cacher pour échapper à une vague d’arrestations, nous allâmes frapper à la porte d’un pasteur de la paroisse Saint-Paul, située à l’ouest de Berlin. Nous avions complètement oublié que son gendre était un nazi convaincu, et il ne put rien faire d’autre que nous promettre de garder notre requête secrète. Notre fuite fut finalement rendue possible grâce à une autre voisine, une veuve, qui s’appelait Clara Bernhard et qui jadis avait travaillé avec ma mère. Elle nous proposa un lit de camp dans l’étroite cuisine de son appartement de la Belziger Strasse . Elle n’avait pas imaginé à l’époque qu’un jour viendrait où elle pourrait nous témoigner son amitié.
    Tante Ruth avait des amis du temps de l’université qui risquaient d’être arrêtés en raison de leurs opinions de gauche. Malgré cela, on allait chez eux, le soir, écouter la radio. Tante Ruth m’emmena et je découvris auprès d’eux un monde dont je n’imaginais même pas l’existence. Ces rencontres étaient délicieuses. Nous commencions par écouter les rapports sur Radio Londres sur tous les efforts des Alliés et leurs succès aériens.

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