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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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mes vastes entreprises n’auraient pas été imaginables.
    Partout, des épinglettes pour soutenir l’effort de guerre étaient vendues et agrafées au revers de la veste de leurs acheteurs. Leurs sujets variaient chaque mois : elles représentaient des petites figurines en bois, des modèles d’avions, des pièces d’artillerie, des projectiles… C’était assez amusant. Pour nous les procurer, nous suivions l’exemple des gosses de la rue en banlieue nord. Nous abordions poliment les gens qui, une semaine après la quête, arboraient encore leur épinglette et nous leur demandions s’ils acceptaient de nous la donner. L’exercice devint bientôt si répandu que les passants croyaient qu’il s’agissait là d’une nouvelle forme de récupération.
    Collectionner les magazines en couleurs pour enfants était un autre passe-temps. Chose très étonnante, ces publications ne contenaient aucune publicité nazie, peut-être parce qu’elles partaient à l’exportation. Elles étaient offertes en supplément comme cadeau publicitaire dans les grands magasins. Nous tentions donc de faire bonne impression sur les vendeuses ; si cela ne marchait pas, nous achetions une boîte d’épingles.
    Bizarrement, une de mes autres activités favorites consistait à établir la liste des bâtiments détruits par les bombardements, car ils exerçaient une véritable fascination sur moi. On pénétrait jusqu’à leur cœur et chaque immeuble avait ses caractéristiques propres. Une baleine coupée en morceaux ne m’aurait pas fait le même effet. À part celle qui avait avalé Jonas, toutes seraient restées, à mes yeux, des monstres des mers sans grand secret au creux d’elles-mêmes. Tandis que les immeubles frappés par les bombardements, c’était autre chose ! J’allais inspecter tous ceux qui venaient d’être touchés et furetais à l’intérieur, avec cette manie de tout prendre en note dans un carnet, le lieu, la date et l’ampleur des dégâts. Lorsque ma mère l’apprit, elle m’en fit de grands reproches et je l’écoutai attentivement, car elle avait raison ! Que se serait-il passé, si jamais on m’avait accusé d’espionnage ? Je n’aurais jamais pu prouver le contraire.
    La nourriture ne consistait plus qu’en ersatz. Les Juifs avaient des cartes d’alimentation, toutes marquées de petits « J », qui les privaient automatiquement de légumes, de viande, de lait, de chocolat ou de suppléments spéciaux. Les « non-Aryens » n’étaient autorisés à faire leurs courses que dans certains magasins, l’après-midi, entre quatre et cinq heures. Celui qui en avait les moyens trouvait des solutions aux problèmes d’approvisionnement en passant par le marché noir ; s’il était assez riche et capable de donner la preuve de son ascendance aryenne, il pouvait fréquenter les beaux restaurants. En revanche, celui qui n’avait ni l’un ni l’autre ne pouvait qu’espérer en l’aide d’un ami mieux loti.
    Les grands magasins, que les difficultés d’approvisionnement avaient plongés dans la crise, étaient chargés d’organiser des expositions, et celles des jouets pendant la période de Noël étaient l’occasion d’exhiber le matériel et les idées volés dans les territoires d’Europe occupée. Les vitrines étaient des reconstitutions de scènes cinématographiques des films les plus connus de l’époque, tels que Le Juif Süss , l’histoire violemment antisémite d’un riche courtier, Ohm Krüger , la version antibritannique de la guerre des Boers, et Robert Koch , un film à la gloire de la médecine allemande.
    Place Wittenberg , le grand magasin KaDeWe consacrait un étage entier à ce qui était, pour l’heure, le comble de l’inventivité allemande en matière d’ersatz : des potages mystérieux que des vendeuses s’activaient à préparer, les remuant, les faisant cuire et épaissir, avant d’en proposer la dégustation. Cherchant à satisfaire ma curiosité, je tentais de lire ce qui était marqué sur les petits paquets jaunes, rangés sur des étagères. Il était écrit : « Poudre de miel synthétique. Rajouter le sucre. »
    En janvier 1942, les nazis commencèrent à faire une démonstration de leur puissance. Ils contraignirent les Juifs au « port de l’étoile jaune à six branches ou étoile de David, qui devait être portée, cousue à gauche sur la poitrine de tous vêtements, dans tous les lieux publics et devant toute personne

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