Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
Vom Netzwerk:
avions apparemment fait un détour.
    Le train resta garé longtemps sur des voies annexes, afin de libérer la voie principale pour faire passer les renforts vers le front est. Cette priorité était laissée la plupart du temps de nuit – cela ne dérangeait personne – et fichait par terre tous les plannings horaires que nous avions pu élaborer. Même les plus bavards s’étaient arrêtés de faire de longues considérations sur le lieu et l’heure à laquelle nous arriverions. Les gens étaient devenus irascibles et agressifs.
    De violentes disputes pour déterminer qui d’entre nous allait devoir nettoyer quoi, et qui pourrait utiliser la gamelle d’untel, éclatèrent aux quelques rares endroits où nous fûmes autorisés à vider le seau et à aller chercher de l’eau. La déferlante d’égoïsme qui avait balayé la politesse et l’écoute annonçait un combat de survie sans merci. Deux jours de voyage dans la peur et l’inconfort avaient suffi pour briser toute forme traditionnelle de courtoisie et d’urbanité.
    Le seul endroit où nous pûmes nous dégourdir les jambes fut une petite gare de campagne, entourée de bois. Cela faisait du bien de respirer un peu d’air frais, mais le plus pressé était d’aller aux toilettes. Celles-ci se réduisaient, dans cette gare, à un grand trou carré, au-dessus duquel étaient posées des poutres en bois. Un panneau indiquant Ustempo désignait ce lieu étrange. La traduction signifiait que c’était l’endroit – si l’on était assez habile – où faire ses besoins. Cela voulait dire aussi que nous étions en Pologne.
    Le paysage nous révéla d’autres objets, plus étranges encore : des tours en bois, hautes de cinq mètres et équipées d’échelles. À mon avis, cela ne pouvait être que des postes d’observation de l’espace aérien. Mais pourquoi y en avait-il autant ? Ensuite, il y avait des rangées d’immenses baraques en bois et de gens en uniformes zébrés bleu et blanc. Chez nous, j’avais déjà vu des prisonniers habillés comme cela, poussant des bennes à ordures, mais ici ils semblaient travailler dans des camps de dépôts entourés de clôtures.
    Il paraît que la criminalité atteignait des chiffres record en Pologne. Effectivement, je regardai ma montre : cinq minutes, sept minutes, dix minutes… les barbelés défilaient toujours. Je tendis le cou à travers l’aération pour apercevoir le bâtiment de la prison – en vain. Le train s’arrêta, se rangea sur un quai annexe. Le silence fut déchiré par un coup de sifflet strident, les portes s’ouvrirent. Tout autour de nous, des cris rauques répétaient : «  Raus ! Raus !  ». Des SS en armes étaient là, debout devant nous, en uniforme feldgrau .
    Nous étions le 27 juin 1943, c’était le soir, l’endroit s’appelait Birkenau, près de la ville d’Auschwitz. Nos anciens gardes avaient été remplacés depuis longtemps, car ici nous nous trouvions dans un monde clos, que personne de l’extérieur ne devait voir : « Dehors, bâtards ! Plus vite, bande de porcs ! » nous hurlaient nos nouveaux maîtres, les Seigneurs de la race supérieure. Toute une compagnie SS était en poste à la gare. Celle-ci était bordée de part et d’autre par des mitrailleuses. Des chiens féroces tiraient sur leur laisse, aboyant en notre direction, en guise de bienvenue.
    Le paysage était désolé : pas un arbre à des kilomètres à la ronde, des champs à perte de vue. Au loin, un brouillard épais annonçait le soir qui tombait.
    « Plus vite, plus vite ! » Le fouet cinglait. « Laissez vos affaires ! Les hommes aptes au travail, à droite ! Les femmes qui peuvent travailler, à gauche ! Le reste, au milieu de la rampe ! » Je serrai vite Maman très fort dans mes bras pour lui dire au revoir et courus dans la file de droite. Je me fis gonfler les joues pour faire bonne impression et me tins aussi droit que possible. Je passai le contrôle de l’officier SS et me retrouvai dans la foule des hommes.
    La nuit était tombée. Des camions arrivèrent, emmenant les vieux et les malades. Les mères et les enfants attendaient encore. Nous nous mîmes en rang, cinq par cinq, entourés par des gardes, et nous avançâmes.
    Environ une demi-heure plus tard, notre colonne de 117 hommes, encore sous le choc de ce sinistre accueil, arriva à une barrière gardée par des sentinelles. Des flaques d’eau au milieu d’un sol boueux et infertile laissaient

Weitere Kostenlose Bücher