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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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conclure que la nature n’aimait pas cet endroit. Nous fûmes de nouveau comptés et recomptés, jusqu’à ce que les gardes nous laissent passer.
    Bientôt nous arrivâmes à un bâtiment en briques rouges qui, s’il avait été un peu plus petit, aurait pu être une ferme, à l’exception des alentours absolument sinistres, qui n’existaient nulle part ailleurs. Les lieux étaient entourés d’une double enceinte de barbelés électrifiés, l’une de deux mètres cinquante de haut, l’autre moins élevée, qui toutes deux se perdaient vers l’infini. À intervalles réguliers, des pancartes avec une tête de mort blanche et deux os se croisant indiquaient le mot « Danger ». Le plus impressionnant était la tour, flanquée de part et d’autre d’une aile de deux étages chacune. Des rails de chemin de fer passaient sous l’immense porche, tandis que sur le faîte du toit, de forme pyramidale, on voyait une sirène qui ressemblait à un champignon et dont le hurlement était l’unique compagnon de tous ceux qui passaient là. Derrière, baignant dans la lumière aveuglante d’une multitude de projecteurs, des rangées de baraques en bois s’alignaient à perte de vue.
    Après un dernier comptage, nous nous dirigeâmes vers cette monstrueuse ville de prisonniers. Les clôtures électriques bourdonnaient de part et d’autre de la rue centrale comme pour accueillir les prisonniers. Pas un arbre, pas une fleur, pas un brin d’herbe. C’était un autre monde, unique dans sa noirceur déprimante.
    Nous fûmes conduits vers un des nombreux camps, un groupe de baraques parmi des centaines. Nous fîmes halte devant un bâtiment sombre, gris, sinistre, comprenant un sous-sol, un rez-de-chaussée et un premier étage. On était frappé par l’immense cheminée attenante. Nous fîmes la queue pour entrer.
    Enfin, ce fut mon tour. Le contrôle était essentiellement aux mains de prisonniers à l’air bien portants, mais dont la mine me faisait penser à des bandits et à des assassins. Quand on leur parlait, ils ne répondaient pas, tout au plus parfois d’un hochement de tête. J’entrai dans une pièce, remplie de montagnes d’habits.
    « Déshabille-toi ! Vêtements, à droite ; sous-vêtements, à gauche ; objets de valeurs ou papiers, dans le panier. On garde juste les chaussures, rien d’autre. Le reste aussi, dans le panier. Argent, photos, bagues, etc. » J’étais déjà tout nu et eus un moment d’hésitation, avant de laisser ma montre. Mes papiers d’identité furent jetés sur un pile d’autres… encore un nom qui venait de cesser d’exister.
    Puis ce fut le tour des cheveux. Après nous avoir tondus, on nous rasa le corps, de telle sorte qu’il ne nous resta plus un poil. Moi, de toute façon, à l’époque, je n’avais que des cheveux sur la tête, qui partirent rejoindre les mèches brunes, blondes ou rousses qui s’amoncelaient par terre.
    Le dernier contrôle me permit de récupérer deux tranches de pain avec du fromage. Elles étaient sèches et toutes racornies, car depuis Berlin, je les avais mises de côté pendant tout le voyage, n’ayant pas le cœur à manger quoi que soit. Ensuite, ne sachant où les cacher, je les avais camouflées dans mes chaussures.
    Plus déprimé que jamais, je pénétrai dans le « sauna ». Mes camarades des dernières heures étaient assis là, par terre, les uns derrière les autres. Le sol était en lattes de bois et un petit escalier montait vers quelques bouches d’aération. Nus et rasés, nous étions méconnaissables. On se serait cru dans je ne sais quel théâtre étrange, entassés à attendre la représentation d’une pièce surréaliste. Personne ne se regardait, personne ne disait mot. Chacun était plongé dans ses propres pensées.
    Perdu dans les miennes, je fus brusquement saisi de terreur. Et si toutes ces rumeurs d’extermination étaient vraies ?
    N’avait-il pas été question de gaz ? Je ne m’étais pas encore résigné à la fatalité et mon regard scrutait tout. Les portes de métal étaient lourdement verrouillées. Seules, les petites fenêtres étaient ouvertes, mais si haut perchées qu’elles étaient inaccessibles. Nous étions enfermés et n’avions qu’à attendre.
    Un peu plus tard, la porte s’ouvrit brutalement. Un groupe de surveillants en tenue rayée bleu et blanc entra. Après un court aparté en polonais avec ses acolytes, l’un d’entre eux s’avança et fit un discours :

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