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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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sortira pas vivant du bloc. Quand vous croisez un SS, vous vous mettez au garde-à-vous et vous lui faites le salut militaire. Une fois qu’il est passé, vous dites “Rompez”, et retournez au travail. Celui qui s’avisera de ne pas saluer un officier en comprendra vite les conséquences. Vous êtes prévenus. Éteignez les lumières et silence ! »
    J’étais mort de fatigue, mais toutes ces émotions me forcèrent à m’extirper de mon châlit surpeuplé, pour aller chercher les latrines. Des prisonniers gémissaient, d’autres se grattaient pendant leur sommeil. La toiture de la baraque, en bois, grouillait de souris. Arrivé à destination, je dus constater que les deux seaux étaient pleins à ras-bord.
    Un coup de sifflet acheva notre maigre nuit, qui avait duré deux heures. Je ne retrouvai plus mes belles chaussures du dimanche ! J’attrapai ce qu’il y avait à la place : un grand godillot noir et un autre, beaucoup trop petit, avec des entre-deux de cuir marron. Quelqu’un cria : « Voleurs ! » On entendit frapper des coups sourds. On se remit en rang par cinq, beaucoup plus vite cette fois. On entendit hurler des ordres, ainsi qu’un bruit de pas lointains, provenant du camp. Apparemment, une mauvaise surprise nous attendait. J’étais au dernier rang et m’endormis contre un poteau du châlit.
    Réveillé par le responsable de chambrée, je me remis en position et il me dit : « T’as de la chance, que je ne sois pas un SS ! »
    Je retombai dans une somnolence, bientôt interrompue par un bruit, que je n’étais pas sûr de reconnaître. Je me secouai pour me réveiller et dressai l’oreille… Tout ça paraissait grotesque, complètement fou, totalement inattendu, mais non, je ne rêvais pas ! Il s’agissait bien d’un orchestre, qui jouait des marches militaires.
    Plusieurs heures plus tard, nous attendions toujours à la même place, quand un détachement SS et quelques officiers supérieurs surgirent. Ils sélectionnèrent des prisonniers d’allure costaude, pour les envoyer travailler au camp de Monowitz. Un officier, dont les épaulettes tressées indiquaient son grade élevé, demanda : « Où se trouve le demi-Juif qui était dans la Wehrmacht  ? » Un jeune homme blond sortit du rang. Je le connaissais. Personne n’avait de manières plus allemandes que lui, mais ses supplications pour être libéré restèrent vaines. « Tu resteras dans ce camp, fut la réponse, avec un travail plus facile. »
    Des gardes arrivèrent, accompagnés de deux chiens féroces. Nous formions encore six rangées de détenus, cinq par cinq, et nous mîmes en marche, en prenant vers la gauche. Birkenau, à l’aube, dans le brouillard, se dévoilait, triste et menaçant à la fois, comme nulle part ailleurs. Le plus pessimiste des pessimistes n’aurait rien pu imaginer de plus épouvantable.
    Des femmes détenues poussaient une lourde charrette. Elles avançaient à grand-peine sur le sol boueux et marécageux, accablées d’injures et de menaces par leurs gardes. Derrière elles, quelques enfants trottinaient, maigres et chauves, retroussant leurs hardes, çà et là, pour se gratter.
    Un groupe de détenus portant un cercle noir et rouge sur leur veste s’activaient à casser des pierres pour le pavage d’une nouvelle route. Surveillés par des SS armés de fouets, ils n’osaient pas lever les yeux.
    Nous laissâmes derrière nous cette jungle de barbelés et de gardiens, nous traînant à travers une contrée abandonnée. Le soleil rayonnait si fort que nous étions tous en sueur. Gardes ou détenus, la nature nous traitait indifféremment, et nous ralentîmes la cadence. La curiosité, elle non plus, ne faisait pas de différences entre les hommes. De temps à autre, un garde s’approchait et posait des questions : « Et toi, tu viens d’où ? Qu’est-ce que tu fais là ? » « Oui, va falloir s’y mettre maintenant. Vous allez voir ce que c’est que de bosser. Vous n’allez pas le croire ! » « Posez pas de questions ! Vous verrez bien vous-mêmes ! » « Vous croyez que vous allez tenir combien de temps ? Fallait vous renseigner, avant de venir ici ! D’ailleurs, qu’est-ce que vous foutez là ? » « Allez, en avant, plus vite le premier rang ! »
    Une heure plus tard, nous passâmes de nouveau devant des barbelés. Il y avait des tenues rayées à cet endroit. Des détenus soulevaient des pierres, portaient des briques, traînaient des

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