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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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épluchures de pommes de terre. Si nous avions réussi à trouver quelque chose de comestible avant que ne sonne la cloche, à treize heures, nous étions les héros du jour, priés de partager le butin.
    Ensuite nous recommencions à compter les briques qui nous passaient dans les mains, ainsi que les heures qui nous séparaient du prochain repas.
    À six heures moins le quart, sales et épuisées, les premières colonnes rentraient du travail. L’appel commençait à six heures et demie, durait un quart d’heure, mais pouvait se prolonger et prendre une heure. Une fois qu’il était terminé, nous nous précipitions vers notre bloc pour la distribution de notre ration.
    Nous avions alors encore deux heures devant nous, pour nous occuper de « nos affaires personnelles ». La plupart d’entre nous en profitaient pour aller trouver d’éventuels donateurs, des amis – adultes – susceptibles de les aider à « organiser » quelques petits suppléments de nourriture. Mais il y avait ceux qui allaient aux toilettes, puisqu’il n’y avait pas foule à cette heure de la journée, ceux qui reprisaient leur vêtements, ceux qui en profitaient pour se rendre à l’infirmerie ou qui, histoire d’oublier et de rêver un peu, allaient entendre l’orchestre du camp répéter, ceux encore qui partaient voir des amis pour les entendre leur prodiguer leurs conseils expérimentés sur des sujets aussi variés que la politique ou la meilleure façon d’« organiser », ceux enfin qui, après une journée harassante, n’avaient plus goût à rien, et qui, une fois leur ration avalée, partaient immédiatement se coucher.
    Les membres du « Petit-Berlin » avaient peu d’amis et encore moins de compatriotes, et de ce fait étaient toujours dans leur coin. Gert le Brun et Jonathan, tous deux plutôt silencieux de nature, restaient à ruminer sur leur paillasse. Grand Kurt, le plus affamé de nous tous – puisqu’il était le plus grand –, avait ouvert une centrale de raccommodage de chaussettes et, tout en maniant l’aiguille dans les bas troués de ses camarades, nous racontait des histoires sur sa ville natale de Koenigsberg. Ceux qui aimaient les blagues, comme Petit Kurt, dont le visage d’enfant n’avait encore rien perdu de son innocence, se réunissaient autour de Gert l’Effronté, qui ne se lassait pas de sortir de son inépuisable répertoire une histoire croustillante après l’autre.
    À huit heures et demie – parfois neuf heures et demie –, la cloche sonnait, annonçant l’heure de se coucher, et quelques minutes plus tard c’était le signal d’extinction des lumières.
    Nos instructeurs avaient été sélectionnés sur leurs connaissances des langues étrangères. Tous, à l’exception d’un, étaient juifs et n’avaient aucune qualification, ni aucune expérience particulière en matière de construction. Le plus impressionnant de tous était un Juif d’origine polonaise qui avait vécu en Belgique et qui nous faisait les cours en polonais, en russe, en tchèque, en yiddish, en allemand et en français. Il commençait à s’initier au grec, ainsi qu’à la langue tsigane.
    Il y avait ensuite M. Pollack, un vieux géomètre slovaque, le seul vrai chauve de l’école – ce dont il était extraordinairement fier –, un sujet de plaisanteries intarissable et très utile pour lui, car il était une sorte d’agent de liaison avec l’extérieur. Un de ses clients était un gros entrepreneur, un civil responsable de notre école, qui, paraît-il, venait de Berlin. Quand cet hôte au visage jovial arrivait pour sa visite d’inspection mensuelle, il passait rapidement devant nous et allait directement s’enfermer avec M. Pollack. Ces réunions duraient une bonne heure et le civil en ressortait, prenant des airs aussi professionnels que possible. Quelques minutes plus tard, M. Pollack réapparaissait à son tour, frottant son gros nez de ses doigts tendus, réajustant ses lunettes, la mine docte et sérieuse. Ensuite il s’arrêtait, s’asseyait et s’allumait un cigare, sa précieuse récompense. « Eh oui, l’entendions-nous soupirer auprès des autres professeurs, tout cela est plutôt sombre pour l’Allemagne, mais pas beaucoup mieux pour nous. »
    Poldi , Leopold Weil, était le plus jeune de nos professeurs, un Juif originaire de Suisse, arrêté en France. Sa mère avait tout tenté pour le faire libérer, on l’avait fait longuement patienter, la date de son

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