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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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retour en Suisse avait enfin été fixée, mais quelques jours auparavant il avait été mis en cellule d’isolement, accusé d’« espionnage pour le compte d’une puissance étrangère ». Peut-être aurait-ce été le cas s’il avait été libéré, toujours est-il qu’il fut envoyé dans un kommando disciplinaire, et que personne parmi son entourage n’entendit plus jamais parler de lui.
    Sigi , notre chef de chambrée, était un petit Juif allemand, d’apparence malingre, interné dans les camps de concentration depuis des années, suite à différentes affaires criminelles. Il avait perdu un bras dans un camp, avant la guerre, arraché lors d’un accident de travail dans la machine d’un atelier, et l’autre n’était plus qu’un moignon.
    À peine la cloche avait-elle sonné le matin à cinq heures, qu’il était déjà à courir dans toute la chambrée, en criant : « Debout, debout ! », et, de son moignon, parvenait à nous arracher la couverture et même parfois à nous jeter de l’eau sur le visage, alors que nous étions encore tout endormis. Pourtant nous n’arrivions pas à lui en vouloir – nous admirions son agilité – et allions jusqu’à trouver que ces douches matinales étaient bien méritées et qu’il ne fallait nous en prendre qu’à notre paresse. Avec le temps, nous avions même fini par apprécier ses plaisanteries.
    Allemands comme lui, nous espérions gagner ses faveurs, mais en vain. Rien ne le détournait de son principe de base : « Tous à la même enseigne. »
    Ello , un solide gaillard, était l’adjoint du chef de chambrée, le plus jeune de nos supérieurs. Il adorait étaler ses frasques amoureuses d’antan et terminait par les paroles de Rosamunde , sa chanson préférée : «  Oh, lass mich sein, Ello, du bist ein Schwein.  »
    À dix-neuf ans, il avait dû se présenter à la gare sous l’uniforme slovaque, pour répondre à l’appel au drapeau et aller sur le front est. Des agents de la Gestapo s’y trouvaient également. Ils appelèrent le nom de tous ceux qui étaient Juifs, les désarmèrent et les envoyèrent tout droit à Auschwitz.
    La ruée vers l’infirmerie, le soir, pendant nos heures de temps libre était telle que nombre de malades étaient refusés. Nos responsables s’étaient donc entendus pour que notre école fût pourvue de son propre médecin. Ce fut un grand soulagement pour nous, car aller à l’infirmerie était dangereux et l’on courait chaque fois le risque d’y laisser la vie.
    Notre médecin, infirmier en réalité, avait un cœur trop tendre pour s’imposer et il nous traitait comme des enfants. Son « cabinet » était installé dans un coin du grenier et nous trouvions toujours le moyen d’échapper à notre tas de briques pour aller à la consultation. La plupart d’entre nous nous y rendions une fois par semaine, soit que nous avions vraiment quelque chose, soit que nous voulions juste l’entendre nous dire : « Allez, fous le camp, petite fripouille, tu n’as rien du tout et tu vas devenir centenaire ! »
    Son équipement se composait en tout et pour tout d’un plateau, sur lequel il avait des pommades de toutes les couleurs. On choisissait celle qu’on trouvait la plus jolie. « Écoute-moi bien, Petit Jandrö, disait-il sur le ton de la bonne humeur à un Tsigane passé le voir, notre Janek est malade, très malade, va lui dire la couleur que tu trouves si jolie pour soigner ta maladie de peau. »
    Nous lui assurions son activité, car nous avions toutes sortes de maux, auxquels nous n’avions pas d’explications, mais que nous devions taire aux SS. Quand notre « médecin » – il était juif d’origine belge – en avait le temps, il s’arrangeait pour aller « organiser » quelques médicaments. De temps à autre, ses collègues de l’infirmerie lui procuraient des pilules de vitamines et il était heureux lorsqu’il était parvenu à les distribuer équitablement. « Elles ne sont que pour ceux qui ne reçoivent pas de paquets de chez eux », disait-il, sachant très bien que personne chez nous, à part les cinq Polonais, ne recevait quoi que ce soit.
    La faim me torturait et je n’arrivais pas à la calmer. J’essayai de reprendre contact avec M. Keding, cet ami de la famille dont la soudaine apparition au bloc de Quarantaine avait fait si forte impression. Tous les soirs, j’espérais enfin pouvoir le retrouver et j’allais rôder autour du bloc 3. C’était

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