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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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qui se proclament des surhommes. Peut-être est-ce bien pour cela qu’ils veulent nous éliminer. Les Juifs – dont personne ne va contester qu’ils sont des étrangers – avaient été prévenus de partir, et ce qui leur arrive était prévisible. Mais nous ! Il n’y avait aucune raison pour que les nazis s’en prennent à nous. Notre malheur est complètement inattendu.
    « C’est vrai, admettait-il, qu’il y avait tous ces vagabonds, dans leurs caravanes, ces bons à rien, que nous-mêmes, Tsiganes sédentarisés d’Autriche et d’Allemagne, nous méprisions. Parce que surtout, ajoutait-il, n’imagine pas que nous nous baladions en haillons, remplis de poux. Il y a des Tsiganes qui sont professeurs, médecins, musiciens – certains sont célèbres dans le monde entier. J’en ai connu. Il paraît même qu’il y avait une dramaturgie tsigane en Russie.
    « L’autre grande erreur, très répandue, est de nous coller l’étiquette de “lâches”. Une fois que nous avons quitté l’esprit clanique et la mentalité de caravane, nous savons renoncer à nos peurs et à nos superstitions. Ce Tsigane devenu général dans l’Armée rouge n’en est-il pas la meilleure preuve ? D’ailleurs, poursuivait-il, nous formons un peuple comme vous, les Juifs, qui a ses gens bien et ses pauvres types. Je te l’accorde, nous n’avons pas de Bible pour venir prouver l’ancienneté de notre histoire, mais nos origines sont sans doute plus anciennes que les vôtres. Simplement, vous, vous avez toujours eu plus de chance. Vous avez toujours eu votre Palestine ! Même si nous, Tsiganes, avions su à l’avance ce qui allait nous arriver, nous n’avions nulle part où aller. Sans compter que les Juifs ont derrière eux de l’argent et des gens influents, alors que nous, nous ne récoltons que du mépris. »
    Schorsch, à son arrivée au camp, comme les autres Tsiganes, avait d’abord été mis dans un camp spécial, à Birkenau. Ils avaient eu le droit de garder leurs vêtements civils, recevaient une nourriture correcte, n’allaient pas travailler et vivaient dans des conditions acceptables. Ils étaient confiants : « Dès que la Wehrmacht aura nettoyé la zone des partisans, leur disait-on, vous serez transférés en Ukraine. »
    Puis un jour, ordre tomba de tous les liquider, hommes, femmes, enfants. Ce jour où ils furent tous lamentablement traînés vers les chambres à gaz, un officier nazi, qui cherchait des candidats pour l’école de maçons, passait par là, c’est ainsi que Schorsch fut épargné.
    Schorsch avait été le premier à me raconter ce qui se passait dans le bois de la mort de Birkenau. C’est alors que j’avais compris que nous partagions un sort identique, et je m’étais beaucoup intéressé à eux.
    J’avais déjà vu quelques familles et groupes de Tsiganes, placés temporairement dans le bloc 8. Nous étions séparés d’eux par une clôture de barbelés et par des fenêtres peintes, mais nous les avions vus arriver ; un mélange de jolies filles en costumes régionaux aux couleurs chatoyantes, de femmes en haillons, d’hommes portant des bottes et des chemises de paysans, bref tout un peuple bigarré qu’on n’oubliait pas de sitôt. Leurs vêtements parlaient d’eux-mêmes : il n’y avait qu’à les regarder et l’on devinait leur provenance, leur misère et depuis quand ils étaient au camp. Seules se taisaient leurs pensées.
    La plupart des Tsiganes vivaient au bloc 7a, le nôtre précisément, mais je n’ai jamais su pourquoi ils étaient traditionnellement placés ici. Les plus hermétiques étaient ceux qui venaient des régions montagneuses de Tchécoslovaquie et de Pologne ; c’étaient des gens primitifs et superstitieux, que l’ignorance maintenait dans la peur. Ils communiquaient entre eux par un mystérieux langage de signes et parlaient un dialecte tsigane particulier, que même leurs comparses – qui vivaient de façon plus moderne – ne comprenaient pas.
    Lorsque notre bloc était en surnombre, nous dormions à deux sur les mêmes planches. Je partageai ainsi ma paillasse pendant plusieurs nuits avec un Tsigane, un garçon couard et timide. Il n’y avait qu’un point sur lequel il se montrait d’une insistance presque acharnée : une paire de petits ciseaux, qu’il voulait absolument me vendre. Une telle chose était un trésor précieux au camp et je me demandais comment il avait bien pu se les procurer. Je lui répondis que,

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