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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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propriétaires, lorsqu’ils avaient commandé ce relais de chasse, avaient-ils pu s’attacher à de tels détails ornementaux ? Était-il possible qu’ils pussent s’être préoccupés à la fois de telles futilités et de la souffrance de leurs compatriotes ? Je ne m’attendais donc pas à ce qu’ils le fissent aujourd’hui…
    Nous étions maintenant en Haute-Silésie, dans un paysage de puits et de mines de charbon. Certaines tournaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre et leurs tours d’extraction brillaient comme des phares dans l’obscurité ; les autres semblaient désertes et cela me ramena six ans en arrière, lorsque les mines étaient mon terrain de jeu préféré, que je m’amusais à grimper sur le haut des terrils et tombais en pâmoison devant les locomotives. Les choses avaient bien changé.
    Un camp de concentration s’était trouvé là, à côté d’une des mines, désormais fermés l’un et l’autre. Je jetai un coup d’œil sur les baraquements. Les fenêtres étaient brisées, les murs calcinés, les rues jonchées de mobilier, couvertures et gamelles, brûlés également. Que s’était-il passé ? Les détenus avaient-ils été liquidés ? Les SS avaient-ils tenté de les brûler vifs ? Une révolte avait-elle eu lieu ? Était-ce un acte isolé de vandalisme ?
    Notre colonne – nous n’étions plus que mille – poursuivait péniblement sa route. Nous avions passé plusieurs embranchements ferroviaires, mais ne savions toujours pas où nous allions. Nous étions de nouveau en pleine forêt. Ma vue se brouillait, je marchais pratiquement en état de transe. Certes ma détermination était grande, mais je n’avais que des jambes d’enfant.
    Les gardes tiraient dans tous les sens et les balles fusaient au-dessus de nos têtes ; je ne m’en rendis compte que parce qu’ils utilisaient des balles traçantes* 3 .
    Je n’étais plus capable de saisir quoi que ce fût. J’avais des hallucinations, voyais des mirages, des rangées d’immeubles au loin qui, l’instant suivant, devenaient la lisière d’une forêt avant que celle-ci ne se transformât de nouveau en une ville, où je croyais être.
    Enfin, notre colonne s’arrêta. Les ombres qui m’accompagnaient reprirent vie. L’aube se levait. Devant moi, une marée de détenus s’avançait vers un tunnel, d’où s’échappaient des nuages de fumée à l’autre bout. Des officiers supérieurs de la SS procédaient à notre inspection et nos gardiens nous avaient quittés, nous expliquant que nous étions arrivés. Quelques-uns tentèrent de prendre la fuite et furent immédiatement abattus par des gardes, qui sans qu’on les vît étaient étendus dans les champs alentour. Un kapo, qui avait encore son brassard jaune, compta parmi les victimes.
    À nouveau, nous apercevions des monceaux de corps dans la neige, mais la mort cette fois semblait avoir œuvré plus violemment. On aurait dit que les corps qui gisaient là, dans leurs haillons zébrés, avaient comme étreint la terre et l’on voyait du sang. Des rumeurs épouvantables circulaient, notre moral était au plus bas. Personne ne ressortait du tunnel. Nous ne voyions pas ce qui se passait à l’autre bout, mais nous ressentions quelque chose de terrible.
    Poussé par la bousculade de toute cette foule de détenus, je me laissai glisser vers le bas du talus en forme d’entonnoir. L’heure était venue et je voulais y arriver préparé, combattre jusqu’au bout. Je jetai mon morceau de pain, détachai ma ceinture, libérai ma gamelle qui y pendait, et la jetai : je n’en aurai plus besoin. Les mains libres, j’étais prêt.
    Par bonheur, mon imagination m’avait joué des tours et tout cela s’avéra faux. L’autre bout du tunnel n’était rien d’autre qu’une gare et la fumée sortait d’un hangar où l’on réparait des locomotives. Nous nous trouvions à la gare principale de Wodzislaw* 4 , dont les trains partaient vers l’ouest.
    Grâce aux premières lueurs, je pus retrouver quelques têtes connues. Ils étaient aussi épuisés que moi, mais avaient encore leur « barda » avec eux – couverture, écharpe, gamelle, tasse, pain. Il y en avait même un qui avait précieusement gardé sa boîte de viande en conserve. « Où est-ce qu’ils t’ont piqué ta couverture, gamin ? » me demandait-on de toutes parts. « Dans la ferme où tu as dormi ? » – « Tu as déjà mangé tout ton pain ? » Tout ce que je

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