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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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et notre espoir en l’avènement de la libération prochaine aux détenus que nous croisions dans les champs. Les deux gardiens de chaque wagon étaient dépassés : ne voulant pas risquer une révolte, ils ne se sentaient cependant plus la légitimité de faire stopper le train.
    Étonnamment, les travaux de construction se poursuivaient non loin de Breslau : de très nombreux prisonniers – détenus de prisons, de camps de concentration, de camps de travail, des prisonniers de guerre russes, polonais, français, belges, des travailleurs forcés d’Ukraine et de Tchécoslovaquie, hommes et femmes –, ils construisaient des quais et posaient des prolongements de voies.
    Nous passâmes lentement devant un entrepôt, où des détenus déchargeaient au pas de charge des sacs de farine. Dans un sursaut de résistance sans précédent, quelqu’un entama un chant – non pas un de ces chants du camp qui, jadis, nous apportaient juste la preuve que nous n’étions pas encore tout à fait morts, non ! un vrai chant, plein de vie, de fougue, de détermination, d’enthousiasme et dont la flamme passant, de wagon en wagon, fut reprise par les camarades de l’entrepôt, qui s’étaient arrêtés de travailler, pour se regrouper sur la rampe du quai et nous saluer.
    Au bout de l’entrepôt, un SS, presque aphone de rage, essayait de remettre son troupeau au travail.
    «  Debout ! Les damnés de la terre…  », le son de l’ Internationale couvrait les hurlements SS. Musicalement, elle ne valait rien de particulier, mais elle était le seul chant que tous connussent, le seul hymne dont les paroles traduisissent la détresse spécifique que chacun d’entre nous ressentait.
    De Breslau, nous ne vîmes que les gares de triage – leurs rails, qui se perdaient dans l’infini, les lignes électriques totalement perturbées, le spectacle d’un enchevêtrement de câbles suspendus qui, arrachés, pendaient dans le vide et trahissaient le récent passage d’un raid aérien.
    Nous atteignîmes un peu plus tard un camp de baraquements entourés de clôtures dont la situation géographique – des collines boisées d’un côté, une ligne de chemin de fer de l’autre – ne laissait aucun doute sur sa nature : un camp de concentration. J’étais content, car je savais que je n’allais plus pouvoir tenir le coup longtemps : nous marchions depuis une semaine, sans pratiquement aucune pause, et notre ration de 350 grammes de pain par jour était avalée depuis belle lurette. Mon dernier morceau de pain rassis et gelé remontait à trois jours, et je n’avais plus avalé de neige depuis quarante-huit heures. Le commandant SS du camp, chargé de s’occuper de notre convoi, hurla à notre gardien en chef – sur ce ton typique des gens de son espèce – que son camp était en surnombre et que nous devions poursuivre ailleurs.
    Le train s’ébranla et partit en direction de la gare principale. Un peu moins d’une heure plus tard, arrivés près d’un village, les gardes ouvrirent les portes éructant l’habituel : «  Raus!  » Je sautai hors du wagon et atterris sur le gravier de la voie ; les genoux tremblants de faiblesse, je rejoignis le kommando qui se mettait en marche, laissant derrière moi ceux qui continuaient le voyage en wagon à ciel ouvert. Assis par terre depuis trop longtemps, nombreux n’avaient pas eu la force de se relever, et d’autres, tout aussi nombreux, semblaient dormir tranquillement dans leur coin : ils étaient morts.
    Nous nous traînâmes péniblement, traversant le village, quelques vieilles fermes à notre gauche et des petits bungalows dont la construction était restée inachevée, à notre droite ; le panneau à l’entrée du village indiquait que nous étions à « Gross-Rosen ».
    La route était bloquée dans un virage par une charrette à foin tirée par des chevaux, qui se trouvait non loin d’une grange. Les hommes assis sur le haut de la meule et qui tenaient les rênes étaient des prisonniers de guerre français, bavards comme des Latins, et ils se mirent à nous poser des tas de questions, sans se soucier un instant de nos gardiens, qui leur ordonnèrent en hurlant de dégager la voie.
    Je voulais savoir ce qu’ils disaient. Quelqu’un traduisit pour moi : « Ils disent qu’à quelques kilomètres d’ici, il y a un camp de concentration, mais ils ne savent pas comment les détenus y sont traités ; ils disent également qu’ils ont le mal du

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