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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thomas Gève
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pays. » – « Et là, qu’est-ce qu’ils viennent de dire ? » – « Ils nous souhaitent bonne chance, d’essayer d’oublier nos chagrins et de rester de bonne humeur, comme eux. »
    Nous passâmes devant plusieurs grandes carrières de pierres, sur les parois desquelles se dessinaient en filigrane des silhouettes rayées bleu et blanc, et arrivâmes au portail. On entendait des kommandos marcher au son énergique de « Gauche ! Droite ! » « Gauche ! Droite ! », et nous dirigeâmes au pas, en direction de la place d’appel, le long de la rue qui menait aux baraquements, bordée de part et d’autre de parterres.
    Ces fleurs étaient si bien entretenues, qu’elles auraient pu faire concurrence à celles des plus belles jardineries. Plantées de façon géométrique, elles formaient de façon parfaite des points et des carrés, elles servaient de ligne de démarcation entre les bâtiments SS et les misérables baraquements de planches des détenus. Dans cette soldatesque apparence, nous les trouvions laides et froides.
    Nous laissâmes les parterres derrière nous. À droite, se trouvait le camp des femmes, entouré de barbelés. Les détenues étaient squelettiques, en haillons, venaient elles aussi de l’est, et nous adressèrent quelques mots en hongrois ; à gauche, sous couvre-feu, celui des hommes, sous la très stricte surveillance des gardiens et des chefs de blocs. En face de nous, au bout de la route, encore un autre portail, et là nous étions arrivés à destination : un camp annexe, composé d’une cinquantaine de baraques, disposées à distance les unes des autres à flanc de montagne, accompagnées des inévitables crématoires.
    Cet endroit horrible s’appelait Gross-Rosen* 5  ! Quelles belles roses, vraiment !
    *
     
    Je fus assigné au bloc 40, un baraquement avec un sol en planches, un toit, des murs, auquel on accédait par une rampe située à deux mètres de hauteur et faite de troncs mal équarris et espacés entre eux de plus de cinquante centimètres. Entrer à l’intérieur du bloc était un véritable danger – peut-être intentionnel – et source d’accidents. Nous devions sortir trois fois par jour pour l’appel et trébuchions, tombions, roulant souvent jusqu’au bas de la pente. Un soir, une de ces passerelles devant un bloc s’effondra sous le poids d’une centaine de détenus, qui se bousculaient pour pénétrer à l’intérieur et retrouver un peu de chaleur.
    Les gens étaient nerveux, irritables et peu disposés à s’entraider. Le soir, une fois que la distribution bruyante et fatigante des couvertures était passée, chacun cherchait une place pour dormir à même le sol, mais il n’y avait jamais assez de place. Si nous avions besoin de nous lever la nuit, pour marcher dans la glaise jusqu’à la fosse qui servait de latrines, nous courions chaque fois le risque d’être abattus. En rentrant, notre place était occupée par quelqu’un d’autre. Si l’on ne se sentait pas la force de se battre pour récupérer sa couche, on n’avait plus qu’à rester debout à la porte, à attendre qu’un autre détenu se levât à son tour pour aller soulager un besoin pressant. La nuit n’était pas sereine pour ceux qui avaient une place par terre, loin de là ! Il n’y avait pas un centimètre carré de libre pour se frayer un chemin et qui sortait, ne prenait pas la peine de retirer ses chaussures. Celui qui avait une place et dormait par terre près de la porte avait intérêt à mettre ses mains sous le ventre, s’il voulait éviter de se faire écraser les doigts.
    Le feu de l’artillerie et des combats se rapprochait, mais cela ne semblait même plus toucher les asociaux – nombreux – qui se trouvaient parmi nous. Les concierges de l’enfer continuaient d’être de diaboliques ennemis pour nous. En les regardant, je me disais que ces gens, avant leur arrestation, avaient vraisemblablement été des gens corrects, de bons pères de famille, allant à l’église ou à la synagogue, qui n’avaient péché que lorsqu’ils n’avaient vraiment pu faire autrement, parce que les affaires sont ainsi faites et que business is business, et qu’après tout, vivant dans des conditions hors norme, au milieu de gens dont la langue, l’intellect et les idées étaient si divergents, ils avaient changé. Dieu, en qui ils avaient cru et remis leur espoir, leur avait prouvé qu’Il ne s’était pas beaucoup intéressé à leurs

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