Taï-pan
perdu.
« Quelle clef, mon cher ami ? »
Struan goûta son cognac, le dégusta lentement.
« Les diplomates sont permanents ; les gouvernements changent. Avant que vous arriviez à Londres, Peel sera Premier ministre.
— Impossible !
— Très probable. Supposons que vous apportiez des nouvelles de la plus haute importance, prouvant que Cunnington est un idiot. Comment seriez-vous considéré par Peel et les Conservateurs, à votre avis ?
— Admirablement ! Parole d’honneur ! Quelle nouvelle, Dirk ! Et… »
Un fracas dans la coursive l’interrompit. Brock fit irruption dans la cabine, échappant à une malheureuse sentinelle qui tentait de se cramponner à ses basques. En un éclair, Struan fut debout, la main près de son couteau.
La figure de Brock grimaçait de haine.
« Ils sont mariés ?
— Sûr.
— Gorth a été assassiné ?
— Sûr.
— Quand arrive le White Witch ?
— Avant la nuit, je pense. Ils devaient appareiller dans la matinée.
— D’abord, j’ai à causer à Liza. Ensuite aux deux-là. Et enfin, bon Dieu de dieu, c’est à toi que je dirai deux mots ! »
Il sortit en coup de vent. Longstaff renifla.
« Grossier personnage ! Il aurait pu frapper, il me semble. »
Struan se détendit, comme un chat lorsque le danger est passé, les muscles assouplis mais prêts à se bander à la première menace, et les yeux toujours sur le qui-vive.
« Vous n’avez rien à craindre de Cunnington, Will. Il est fini.
— Oui, bien sûr, Dirk. Et bon débarras ! »
Longstaff regarda la porte, se rappela le combat de boxe et se dit que la lutte entre Brock et Struan serait tout aussi impitoyable.
« Qu’est-ce qu’il a, Brock, hé ? Est-ce qu’il va vous provoquer ? Naturellement, j’ai entendu parler de votre altercation avec Gorth. Les mauvaises nouvelles ont la fâcheuse habitude de voyager vite, quoi ? Triste affaire. Une chance qu’il ait été tué par d’autres.
— Sûr. »
Maintenant que le danger était passé, Struan éprouvait comme une vague nausée.
« Mais qu’est-ce qui a pris, à ces deux enfants, de se marier comme ça ? Il est normal que Brock perde la tête. Petits imbéciles !
— Non, Will. Ce qu’ils avaient de mieux à faire.
— Bien sûr. Si vous le dites… »
Longstaff se demanda si les bruits qui couraient étaient fondés, si réellement le Taï-pan avait délibérément précipité le mariage et provoqué le duel. Le Taï-pan était astucieux…
« Et Peel, Dirk ?
— Vous êtes un diplomate. Les diplomates ne devraient pas être affiliés à un parti, ou tout au moins ils devraient être de tous les partis et bien vus de chacun.
— C’est entièrement mon avis. Alors… Vous voulez dire, que je devienne conservateur ? Que je soutienne Peel ?
— Soyez Whig et Conservateur à égalité. Hong Kong est bon pour l’Angleterre. Vous êtes Hong Kong, Will. Cette histoire, dit Struan en agitant le journal, est peut-être un sacré coup de chance pour vous. Elle prouve que Cunnington est non seulement un crétin mais un bavard. C’est choquant de prendre connaissance d’une dépêche secrète par les journaux ! »
Il parla alors du contenu du portefeuille, mais à peine de quoi donner le vertige à Longstaff.
« Dieu de Dieu ! »
Si, comme le laissait entendre le Taï-pan, il y avait une copie du rapport secret avec des cartes des zones frontière russo-chinoises et des territoires voisins, Dieu de Dieu, ce serait un passeport pour une ambassade et, qui sait ? la pairie !
« D’où vous viennent ces documents ?
— D’une source digne de confiance, indiscutablement. Je le remettrai entre vos mains avant votre départ. Faites-en l’usage qui vous conviendra. Ces documents prouvent irréfutablement, en tout cas, que vous avez raison et Cunnington tort, en dehors de tout le reste.
— Voulez-vous dîner avec moi, Dirk ? proposa joyeusement Longstaff, qui se sentait revivre. Nous pourrions bavarder du bon vieux temps.
— Pas ce soir, si vous m’excusez. Demain, peut-être ?
— Parfait. Merci. Et je suis si heureux que notre jugement trouve sa justification !
— Une autre chose, la dernière, exige votre attention immédiate. Les Triades.
— Hein ?
— Gorth Brock a été assassiné par des Triades de Hong Kong, venus de Tai Ping Shan.
— Parole d’honneur ! Pourquoi ?
— Je ne sais pas. »
Struan lui rapporta ce que lui avait dit l’officier
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