Tarik ou la conquête d'Allah
Arabe,
mais je ne désespère pas de te convaincre que ce pays, avec ses plaines
verdoyantes et ses montagnes couvertes de neige, est une antichambre du
paradis. Là n’est pas le plus important. Tu es désormais le maître de
l’Ishbaniyah et la joie règne dans le cœur de tes sujets. Je donnerai demain
soir une grande fête en ton honneur et je te prie humblement de bien vouloir
accepter ma modeste hospitalité.
— Tu oublies qu’al-Sumayl et
Youssouf al-Fihri sont encore retranchés dans la citadelle.
Azim Ibn Zyad ne répondit pas. Le
banquet qu’il donna pour saluer l’avènement de son allié resta gravé dans
toutes les mémoires. Le jeune prince omeyyade fut stupéfait en découvrant le
palais où vivait le chef berbère. C’était une succession de cours intérieures
où, des fontaines finement sculptées, jaillissait en permanence de l’eau.
Chaque pièce était meublée avec grand soin dans des styles différents afin que
Chrétiens, Musulmans, Berbères et Juifs puissent, chacun, se sentir chez eux.
Une nuée d’esclaves portait des plateaux chargés de pâtisseries et de mets
succulents ainsi que de boissons rafraîchies avec de la neige venue des
montagnes voisines. Çà et là, des musiciens tiraient de leurs instruments des
airs tantôt nostalgiques, tantôt langoureux. Parée de ses plus beaux bijoux, la
reine Égilona, mère d’Azim, vint saluer, accompagnée de ses petits-fils Moussa,
Amr et Zyad, le petit-fils d’Hisham. À ses côtés se tenait Sara, fille
d’Olmondo et veuve d’Isa Ibn Muhazim, qui salua chaleureusement Abd
al-Rahman :
— J’ai l’impression de me
retrouver à Damas lorsque ta mère, Rah, dont je n’ai pas oublié les bontés, me
recevait dans sa demeure.
— Je te remercie de l’appui que
tu m’as apporté alors que je n’étais qu’un fugitif. Sans toi, je ne serais pas
ici.
— Et ce serait bien dommage car
bien des surprises t’attendent encore.
— Je souhaite récompenser ta
fidélité. Parle et le moindre de tes désirs sera satisfait.
— Je n’ai qu’une faveur à te
demander. Depuis la mort de mon mari, la solitude me pèse. L’un de ses
officiers, Ubaid Ibn Saïd Ibn Hadjadj, est resté à mon service et j’avoue avoir
une certaine inclination pour lui. Je suis prête à l’épouser à condition
toutefois de pouvoir rester chrétienne.
— Je le connais. Est-il
d’accord pour que tu conserves ta religion ?
— Je ne le sais pas. Il ne m’a
jamais rien dit à ce sujet.
— Et pour cause ! Tu
ignores qu’il descend en fait d’un des nobles wisigoths emmenés par Tarik Ibn
Zyad à la cour de Damas pour y rendre hommage à mon ancêtre, al-Walid. Il a
toujours cherché à cacher cette origine et se fait passer pour un véritable
Arabe. Il ne veut pas te répondre, de peur qu’on ne l’accuse d’apostasie. Je
lui parlerai et tu peux déjà commencer les préparatifs du mariage. À une
condition.
— Laquelle ?
— Avec Ibn Muhazim, tu as eu
plusieurs enfants, des garçons et des filles. Lorsqu’il était à al-Munakab,
Badr a aperçu l’une d’entre elles, Fatima, et m’en a tracé un portrait très
flatteur. Je souhaite que le sang de nos familles se mélange pour symboliser
l’union de toutes les communautés de ce pays.
— Au roi, je ne puis rien
refuser. Fatima est ma fille préférée encore qu’elle ait été élevée dans la
religion de son père et qu’elle la pratique avec zèle. Je te la donne
volontiers pour épouse et j’espère que votre descendance sera aussi nombreuse
que les étoiles du ciel.
Cette conversation fut interrompue
par le fracas assourdissant des tambours. À la tête d’un imposant cortège, Azim
Ibn Zyad s’avançait, traînant derrière lui al-Fihri et al-Sumayl, chargés de
chaînes.
— Noble roi, fit Azim, Sara
t’avait promis une surprise. La voici. J’ai convaincu ces deux traîtres que
toute résistance était inutile et qu’ils finiraient par mourir de faim et de
soif dans leur repaire. Après avoir hésité, ils ont convenu que j’avais raison
et viennent implorer ton pardon.
— Leur as-tu donné des
garanties ?
— J’ai promis la vie sauve à
leurs hommes qu’ils ont entraînés dans leur folie. Je n’ai pas été plus loin.
C’est à toi de décider de leur sort.
— Assurément ils méritent la
mort, et le peuple, qu’ils ont si durement opprimé, sera le premier à applaudir
leur exécution. Néanmoins, le pillage de leurs biens est un
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