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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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du temps. À sa place, je n’agirais pas
autrement. Les pourparlers pour la conclusion du contrat de mariage dureront
des mois car il élèvera objection sur objection. Lassés d’attendre, tes soldats
regagneront leurs foyers, dépités de n’avoir pu amasser un riche butin.
    — Crois-tu que la révolte
pourrait gagner nos rangs ?
    — Il en faudra bien peu pour
qu’elle n’éclate. J’ai dû user de tout mon prestige pour obliger mes frères
berbères à combattre aux côtés des Arabes, leurs oppresseurs, et je leur ai
rappelé que ta mère appartenait à la tribu des Nefaza. Tes autres généraux ne sont
pas mieux lotis d’après ce que m’a appris Ubaid Allah Ibn Othman. De surcroît,
al-Fihri a bien choisi le moment pour ouvrir ces discussions. La fin de l’hiver
approche et, sous peu, nos troupes pourront se mettre en marche. Si tu
négocies, cela reporte toute attaque à l’automne prochain. Avec la venue des
pluies et du froid, nous devrons passer un second hiver enfermés derrière les
murailles des villes et des forteresses. Crois-moi, dès l’apparition des
premiers bourgeons sur les arbres, nous devons lancer une première offensive
foudroyante sur Ishbiliya puis sur Kurtuba.
     
    Suivant l’avis de ses généraux, Abd
al-Rahman se résigna à déclencher les hostilités. Il entra à Ishbiliya en
shawwal 138 [40] sans rencontrer de résistance et confia le commandement de la cité à Azim Ibn
Zyad, en raison de la présence de nombreux Berbères dans la région. Il se
dirigea ensuite vers Kurtuba en vue de laquelle il arriva le 8 dhu-I-hidjdja
138 [41] .
À son grand mécontentement, il constata que la capitale de l’Ishbaniyah était
puissamment fortifiée et qu’al-Fihri avait fait venir de nombreux renforts de
Sarakusta [42] .
Abd al-Rahman ne disposait pas d’un matériel de siège suffisant et seule une
bataille en terrain découvert pouvait lui offrir une chance d’écraser son
adversaire. Encore fallait-il traverser le Wadi al-Kebir, dont les gués étaient
puissamment gardés.
    Badr, une fois de plus, le tira
d’embarras :
    — Écris à Youssouf que tu
regrettes d’avoir refusé d’épouser sa fille sur le conseil de tes généraux et
demande-lui d’ouvrir à nouveau des pourparlers à ce sujet. Prie-le aussi de te
permettre de traverser le fleuve avec ton armée afin d’installer ton camp dans
un endroit salubre où il te sera possible de donner une grande fête pour ton
prochain mariage puisque tu souscris par avance à toutes ses exigences, pourvu
qu’elles soient raisonnables. Il ne te refusera pas ces deux faveurs car le
saint mois du ramadan approche et les cadis de Kurtuba, que j’ai soudoyés, lui
expliqueront que sa générosité lui vaudra la protection d’Allah le Tout-Puissant
et le Tout-Miséricordieux. C’est un être fruste et influençable. Dis-lui que tu
es prêt à te placer sous ses ordres jusqu’à sa mort. À ce moment-là, ses
petits-fils hériteront de ses fonctions et seront rois et princes. Voilà de
quoi satisfaire son ambition démesurée.
    — Penses-tu qu’il soit assez
bête pour tomber dans ce piège ?
    — Il n’est pas sûr de recevoir
des renforts de Damas et son âme damnée, al-Sumayl, prépare déjà les poisons
qui serviront à te tuer lors du banquet nuptial. Il acceptera, crois-moi !
    — Je peux ainsi gagner du
temps. Mais je manque d’hommes et de troupes fraîches.
    — Des renforts arrivent de
Djayyan [43] et d’Ilbira, où sont cantonnés les djunds de Damas et de Kinnasrin qui ont
décidé de se rallier à ta bannière. Ils sont sous le commandement de Yahia Ibn
Bukht et avancent de nuit pour éviter d’être repérés ; ils se trouvent à
une demi-journée de marche de nous.
    — Yahia Ibn Bukht s’est enfin
décidé à prendre parti !
    — Oui, fit Badr, et garde-toi
bien de lui reprocher d’avoir tant tardé. Il le fait au moment le plus opportun
et te permettra ainsi d’écraser tes adversaires.
     
    Sous la pression des chefs
religieux, al-Fihri accéda aux requêtes présentées par des émissaires du jeune
prince omeyyade, dont l’armée fut autorisée à traverser le fleuve et reçut du
ravitaillement. Ubaid Allah Ibn Othman, Azim Ibn Zyad et Abdallah Ibn Khalid
veillèrent à ce que le camp donne l’impression d’être en proie au désordre et à
l’indiscipline. Leurs hommes firent mine de se disperser dans la campagne environnante
et allumèrent de grands feux pour faire croire qu’ils

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