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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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un arabe châtié et la plupart de leurs frères
avaient déjà adopté, y compris chez eux, la langue de leurs conquérants.
    Les Chrétiens du Nord, eux, avaient
espéré tirer profit des querelles entre l’émir et al-Fihri. À la mort
d’Alphonse, gendre de Pelayo, en 757 ap. Jésus-Christ, Fruela lui avait succédé
et mené une opération particulièrement audacieuse contre Kulumriya [47] ,
réduisant la ville en cendres. L’émir avait promptement réagi. Des milliers de
cavaliers avaient envahi ce que les Nazaréens appelaient « les Champs
gothiques », un vaste territoire où des centaines de paysans s’étaient
installés, ravis de ne dépendre d’aucun maître et donc de ne payer aucune taxe.
En quelques jours, leurs champs et leurs villages avaient été brûlés et les
survivants avaient gagné les monts cantabriques, près d’Amaya, suppliant qu’on
mette un terme aux hostilités. Fruela n’ignorait pas qu’il ne disposait d’assez
de troupes pour résister à une attaque des Musulmans. Aussi préféra-t-il signer
avec Abd al-Rahman une trêve de cinq ans, qui garantissait « aux patrices,
aux religieux et aux populations de Kashtallah [48]  »
la paix moyennant le versement d’un très lourd tribut annuel : dix mille
onces d’or, dix mille livres d’argent, dix mille chevaux, dix mille mulets,
mille cottes de mailles, mille casques et mille lances de frêne.
    Seuls les Juifs ne donnaient aucun
souci à Abd al-Rahman. Mieux encore, ils concouraient grandement à l’économie
du pays. Certes, la plupart étaient de modestes fermiers, de petits artisans ou
des portefaix, mais d’autres, de prospères négociants, se rendaient en Ifrandja
pour y acheter dans une ville appelée Verdun, des esclaves venus de Saxe, et de
plus loin encore, qu’ils revendaient très cher à Kurtuba où certains devenaient
eunuques au palais. D’autres marchands s’embarquaient à al-Munakab ou à Kadis [49] pour l’Orient dont ils rapportaient parfums, épices et soieries. Jacob, le
propre fils d’Obadiah, avait plusieurs fois séjourné à Damas et ne manquait
jamais, à son retour, de faire à Abd al-Rahman un rapport circonstancié sur ce
qu’il avait vu. C’est ainsi qu’il lui apprit une grande nouvelle. Délaissant la
capitale syrienne, le calife s’était installé à Bagdad.
    Abd al-Rahman s’en réjouit, à tort.
Pour lui, cela signifiait que son rival préparait une expédition en Orient et
se désintéressait de l’Ishbaniyah, où un certain mécontentement se faisait
sentir. Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, les habitants de Tulaitula
n’avaient jamais accepté que leur ville perde son statut de capitale au profit
de Kurtuba. Ils s’estimaient lésés par le pouvoir central et étaient furieux
des nouvelles taxes imposées sur les marchés par le wali. Ancien compagnon
d’al-Fihri, Hisham Ibn Hurwa rassembla tous les clients de son maître et
s’empara de la cité dont les quartiers juifs et chrétiens furent pillés et
leurs habitants massacrés.
    L’émir fut prompt à réagir. Il
envoya ses mercenaires chrétiens avec, à leur tête, Badr et Tammam Ibn Alkama
al-Thakafi, qui s’emparèrent sans coup férir de la ville dont la population fut
condamnée à l’exil. Hisham Ibn Hurwa et ses principaux conseillers furent
ramenés à Kurtuba. Là, pour la plus grande joie de la foule, amatrice de
spectacles sanglants, ils furent promenés à dos d’âne, affublés de vêtements
féminins, puis cloués au gibet, leurs cadavres laissés ensuite en pâture aux
oiseaux de proie.
    La même année, le calife Abou Djafar
al-Mansour envoya en Ishbaniyah l’un de ses meilleurs généraux, Mughit Ibn
Othman al-Roumi, qui débarqua dans la région d’al-Ushbuna [50] . Sitôt la nouvelle
connue, Amr Ibn Azim Ibn Tarik demanda à être reçu par Abd al-Rahman.
    — Je sais qui est ce Mughit.
    — Éclaire-moi de tes lumières.
    — Quand il a conquis ce pays,
Tarik, mon lointain ancêtre adoptif, avait pour adjoint un certain Mughit
al-Roumi, issu d’une famille grecque de Palestine convertie à l’islam. Tous les
deux furent rappelés à Damas où ils connurent la disgrâce. Si ce Mughit est
aussi valeureux que l’était son aïeul, il te causera beaucoup d’ennuis.
    De fait, Mughit Ibn Othman al-Roumi,
en distribuant de fortes sommes d’argent, réussit à rassembler autour de lui
plusieurs milliers d’hommes, principalement des Arabes yéménites, jaloux de la
protection

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