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Tarik ou la conquête d'Allah

Tarik ou la conquête d'Allah

Titel: Tarik ou la conquête d'Allah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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se livraient au pillage.
Abd al-Rahman envoya alors de nouveaux parlementaires au gouverneur, demandant
que leur rencontre se tienne au plus vite. Al-Sumayl exultait :
    — Je te l’avais dit, al-Fihri,
ce maudit fugitif a présagé de ses forces et il est maintenant aux abois. Il a
besoin de conclure un accord s’il ne veut pas être abandonné et massacré par
ceux qui ont commis l’imprudence de se rallier à lui. Fais-le patienter afin
qu’il éprouve les tourments de l’angoisse et, dans deux jours, tu n’auras plus
qu’à lancer sur lui la garnison.
    Durant quarante-huit heures, un
calme étrange régna. Dans la ville, les habitants vaquaient à leurs affaires
comme si de rien n’était. Des espions, grassement payés par al-Sumayl,
répandaient les rumeurs les plus contradictoires. Aux Musulmans, ils
affirmaient que les plus dévoués d’entre eux recevraient en récompense les
biens des futurs vaincus. Aux Chrétiens et aux Juifs, ils racontaient qu’en cas
de victoire d’Abd al-Rahman, leurs quartiers seraient livrés au sac et au
pillage. Ceux qui eurent le malheur d’émettre des doutes furent exécutés
sur-le-champ comme traîtres. Dans les rangs de l’armée omeyyade, le désordre
apparent continuait à régner. Les troupes venues de Djayyan et d’Ilbira avaient
fait halte à une heure de marche de Kurtuba et se dissimulaient dans les fermes
abandonnées par les paysans.
    Au matin du troisième jour, à la
tête de la garnison, al-Fihri sortit de la ville et déploya son armée dans la
plaine. Son plan était simple. Il avait décidé d’attaquer le flanc gauche de
l’adversaire, constitué par les Berbères d’Azim Ibn Zyad auxquels ses hommes
vouaient un féroce mépris. Les ayant bousculés, il prendrait à revers Abd
al-Rahman et le repousserait vers le fleuve où ses partisans seraient massacrés
jusqu’au dernier. Mal lui en prit. Sous la conduite de leur chef, qui les
galvanisait par son ardeur, les Berbères repoussèrent les assauts furieux
lancés contre eux jusqu’à ce que les cavaliers de Yahia Ibn Bukht, avertis du
commencement de la bataille, viennent à leur secours. À ce moment-là seulement,
Abd al-Rahman envoya ses troupes et enfonça le centre et l’aile droite de
Youssouf qui ne tardèrent pas à se débander. Maudissant ces lâches, le gouverneur
et al-Sumayl refluèrent vers la ville et s’enfermèrent dans la citadelle
réputée imprenable.
    Au soir du 10 dhu-I-hidjdja 138 [44] Abd al-Rahman, l’ancien proscrit, fit une entrée triomphale dans Kurtuba.
Musulmans, Chrétiens et Juifs mêlés s’étaient portés à sa rencontre et
imploraient sa clémence. Il convia tous les dignitaires de ces communautés et
leur assura qu’ils pouvaient tranquillement rentrer chez eux. Il ne tolérerait
aucun pillage, hormis celui des biens appartenant à al-Fihri et à al-Sumayl. Entourés
par les cadis qui se confondaient en propos obséquieux, il se rendit pour la
dernière prière de la journée à la grande mosquée de Kurtuba. Il eut la
surprise de constater que les Chrétiens qui suivaient son cortège entraient par
une porte latérale de l’édifice. Il interrogea un cadi :
    — Pourquoi ces Nazaréens
pénètrent-ils dans notre lieu de culte ?
    — En fait, noble émir et roi
très respectable, nous partageons le même bâtiment, l’ancienne basilique dite
de Vincent. Lors de la prise de la ville, nous en avons occupé une moitié et
l’autre leur a été laissée. Bien entendu, si cela te choque, tu n’as qu’un mot
à dire et nous ne serons plus dérangés par les criailleries de ces mécréants.
    — Qu’Allah le Tout-Puissant et
le Tout-Miséricordieux, auquel je dois la victoire, m’en préserve ! On ne
prie jamais assez Dieu. Si mes prédécesseurs ont accepté cette situation, je ne
vois pas pourquoi j’irais à l’encontre de leur sage décision.
    Après avoir dit sa prière, Abd
al-Rahman s’installa, avec sa suite, au Dar al-Imara, l’ancien palais du
gouverneur de Bétique, un bâtiment sombre mais richement meublé qu’il se promit
cependant de transformer de fond en comble. En plaisantant, Azim Ibn Zyad lui
affirma :
    — Enfin te voilà dans un palais
digne de ton rang !
    — Tu te trompes. À mes heures
perdues, il m’arrive de composer des poèmes et voici celui que m’inspire ce
lieu :
     
    Plus que les jardins et les
éminents alcazars Me plaisent le désert et le séjour sous la tente.
     
    — Tu es un véritable

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